jeudi 30 septembre 2010

Humaniterre

C'est très bien tout ça, l'humanitaire, les missions, les crayons qu'on envoie à des enfants qui ont faim ou encore les images de pays ravagés qu'on nous diffusent à la télé pour nous montrer que ou la la, on a de la chance de ne pas être là-bas et puis que allez quoi, un euro, c'est pas grand chose. Mais est-ce que ça aide, qu'est-ce que c'est vraiment que cette réalité tellement incroyablement renversée qui nous échappe toujours un peu plus, parce qu'on ne sait pas, parce qu'on ne nous dit pas, parce qu'on ne veut pas savoir?
Herman, lui, y est, dans cette terre ravagée. Il n'en est pas à son coup d'essai le garçon, il sait. Et c'est ça ce qui fait qu'on se tait, qu'on l'écoute. Parce qu'en plus, lui, il fait. Et puis il nous raconte. Tout. Le vrai, celui qui fait mal et peur. Le beau aussi, parce qu'il en reste encore partout sous les débris d'Haïti qu'il parcourt tous les jours pour relever les pierres et les têtes.
Alors, si vous voulez savoir, si vous êtes encore assez attentifs aux battements cardiaques de ce monde à l'agonie, allez donc faire un tour par là:

http://humanitaire-herman.blogspot.com

Vous y serez accueillis par une superbe image qui dit déjà tout, le beau et l'horrible, la poésie du désespoir et agir, parce qu'il le faut.

dimanche 26 septembre 2010

Des pieds et des mains

"Ils ont des pieds fabuleux, c'est leur outil de travail, trapu, charnu, palmé. Quand il marche, le pied sherpa vit, il ne se pose pas bêtement comme le nôtre dans un "ploc" poussiéreux, il s'épanouit, adhère, épouse. Légèrement rentré dedans, il pousse de tous ses orteils que l'on voit griffer le terrain. En fin de pas, il se recroqueville comme les pattes d'une mygale prête à bondir; en l'air, il pointe vers le ciel pour ne pas se meurtrir sur les pierres affleurantes et se repose après le gracieux déroulé de la plante sur le sol. Tibias et cuisses, sollicités depuis leur plus tendre enfance par l'effort des muscles, sont arqués, les tendons bandés. Les ongles n'en sont plus: variété inconnue de mille feuilles noirâtre, tranché à la hâche, déchiré au schiste, arraché par les racines. De profondes entailles sont la mémoire des kilomètres, de telle charge ou de telle étape. On lit facilement la vie d'un sherpa dans les lignes de son pied: semelle paliumpsete, corne stratifiée, desquamée par l'érosion du sol."

"Cela fait quatorze jours qu'elles sont inoccupées, mes mains, et qu'elles commencent à le faire savoir. Chômage technique. Retraite anticipée. La marche, c'est le glas des mains. Elles sont condamnées à pendre mollement toute la journée, à tirer de temps à autre sur une braguette ou, au mieux, prendre une photo. Pour se ressaisir, elles ont développé une extrême sensualité, aussi le contact d'un tronc moussu, d'une pierre sèche ou d'une fleur les met en transe. Elles n'hésitent pas alors à se jeter au cou du premier petit veau qui passe pour une chaude et fugitive caresse."
(Alexandre Poussin, Sylvain Tesson, La marche dans le ciel)

lundi 20 septembre 2010

Chenoa "El Bolsillo Del Reves"


Mais quand même, mieux vaut un petit chez soi qu'un grand nulle part...!
Fin des turbulences, le navire n'a pas sombré, le capitaine est toujours à la barre. Un peu le mal de mer, mais ça passera, juste le temps de se réhabituer à la terre ferme... Ami lecteur, l'auteur de ce blog te remercie: les phares dans la tempête, c'est plus utile qu'on ne le croit, même pour une pirogue!

mercredi 15 septembre 2010

D'actualité, d'humanité

"Elle a débarqué dans la classe un vrai courant d'air
Drôle de dégaine et drôle de race un matin d'hiver
Au beau milieu de la dictée, sous le ciel et la voie lactée
Elle s'est assise tout près de moi derrière le petit bureau de bois

La maîtresse a dit elle s'appelle Maria Suzanna
Elle sera là jusqu'à Noël puis elle s'en ira
Alors ça pouvait arriver au beau milieu de la dictée
Une môme fagotée comme l'orage, fille du vent et du voyage

Oh, Maria Suzanna où es-tu, dans quelle nuit t'es-tu perdue
Reste-t-il pour croquer ta vie manouche quelques dents dans ta bouche
Oh, de Varsovie à Saragosse roulottes-tu toujours ta bosse
Si belle encore mais comme tes semblables
Toujours indésirable

J'ai attendu à la sortie pour accompagner
Cette môme qui m'avait pas souri même pas parlé
Elle a mis sa main dans la mienne, j'ai suivi la petite bohémienne
Le long d'un boulevard tout gris aux pauvres arbres rabougris

Trois caravanes dans la neige autour d'un grand feu
Comme un immobile manège et des hommes entre eux
Qui parlent une langue inconnue, étonnés que je sois venue
Dans la gadoue chercher du miel au pays des romanichels

Ses petits frères l'attendaient devant la roulotte
Et tous ensemble ils sont entrés en fermant la porte
Elle m'a fait adieu de la main et j'ai rebroussé mon chemin
Jusqu'à ma maison de ciment, elle devait s'inquiéter ma maman

En me retournant j'ai vu encore derrière le tableau
Ses yeux noirs qui riaient si fort qui tenaient si chaud
A l'école on n'a pas revu l'enfant né en terre inconnue
L'orage n'a plus éclaté au beau milieu de la dictée

Oh, Maria Suzanna où es-tu, est-ce de t'avoir aperçue
A belles dents croquer ta vie manouche, que j'ai eu dans la bouche
Ah, ce désir si fort de partir, de chanter pour ne pas trahir
L'enfant qui va sa vie coûte que coûte
Sur l'infini des routes..."

"Maria Suzanna", Michèle Bernard

mardi 14 septembre 2010

Les fous du vélo

Sylvain Tesson et Alexandre Poussin, On a roulé sur la terre, 1996.
Voici donc mes impressions sur ce récit de voyage atypique de jeunes chevauchant un vélo autour du vaste monde. Ils sont partis de Paris, sans plan vraiment pré établi, juste le rêve fou de faire, en un an, le tour de la planète à bicyclette. De l'Afrique des déserts à l'Amérique de la pampa, en passant par l'Ile de Pâques et Tahiti, ils finissent par arriver dans la gigantesque Asie, ce continent bardé de frontières et d'interdits. La chaleur tropicale puis la glace de l'Himalaya les font passer sans cesse, dans un mouvement continu, de l'enfer au paradis, les deux s'entremêlant toujours étroitement dans ces paysages grandioses, à la fois hostiles et fascinants. De tous ces milliers de kilomètres à travers le monde, Sylvain et Alexandre en ressortent des rencontres, des visages et des échanges, parfois rendus impossible par une communication à sens unique, parfois si riches d'hospitalité et de générosité qu'ils en sont réellement déroutés. Malgré toutes les embuches du voyage ils gardent le cap, se sortent de chutes, de maladies et de risques d'accidents de la route, pour arriver à bon port, à Paris, avec un trop plein d'émotions tel qu'ils ne pensent jamais parvenir à l'exprimer avec des mots. Pourtant, ce récit de voyage est extrêment bien construit, très proche encore des notes prises au quotidien par chacun, mais déjà retouché par le recul d'un regard apaisé sur une folle expérience vécue. Les voix d'Alexandre et de Sylvain s'alternent pour se fondre l'une dans l'autre sans jamais s'écorcher: la vision de chacun est différente de celle de l'autre mais tellement liée par toutes ces péripéties et les palpitations qui demeurent de cette année sur la planète. Le style est parfois naïf, rappelant l'âge encore tendre de deux jeunes parisiens cependant très cultivés et définitivement enclins à l'aventure sans limites. Impossible de citer un extrait du texte; le tout est tout à fait cohérent, forme un vrai ensemble qui se lit, se dévore comme ils ont dévoré les kilomètres qui les séparaient d'une grandeur acquise sur les routes défoncées de la terre. Vraiment, ces deux cyclistes amateurs de musique classique ne sont pas des baroudeurs comme les autres, à moins qu'ils ne soient des découvreurs d'humanité, et de la leur en premier... Un voyage à ne pas manquer.

lundi 13 septembre 2010

Ils sont fadas!

Je suis en train de lire un récit de voyage de Sylvain Tesson et Alexandre Poussin, deux aventuriers devant l'éternel dont je vous ferai partager les écrits dès que j'aurai terminé ce volume retraçant leur tour du monde à vélo. Comme vous le voyez, ces deux là n'ont pas froid aux yeux -précisons qu'à l'époque de ce récit ils avaient à peine vingt ans, et que, depuis, leurs expériences se sont multipliées, toutes plus farfelues et extraordinaires les unes que les autres. De l'escalade insolente des monuments parisiens à leur grande marche dans l'Himalaya, ils n'ont rien à envier aux aventuriers des siècles passés. Et ils ne sont pas les seuls à braver les interdits et les limites de leur corps et de la géographie. Il y a aussi Sonia Poussin, la compagne d'Alexandre, avec qui il a parcouru pendant des mois l'Afrique du grand Rift, sur les traces des premiers hommes, avec un équipement plus que rudimentaire, frôlant parfois la catastrophe. Tant et si bien que certains ont encore toutes les peines du monde à accepter comme un fait, sans trucage, cette randonnée aux portes de la soif et de la mort. Il y a également Priscilla Telmon, qui a voyagé sur les pas de la grande aventurière Alexandra David Néel, suivant ses traces et revivant les mêmes difficulutés, et ce malgré les époques qui les séparent. Sans parler de Bernard Ollivier dont je vous avait relaté la traversé de l'Europe et de l'Asie sur la route de la Soie. Et j'en oublie. Tous ces gens sont des fadas, des trompe la mort, des provocateurs de risques, des créateurs de rêves et des découvreurs d'humanité. Car quoi de plus fascinant que de partir, sans plan préalable, avec des cartes approximatives et des obstacles inconnus mais menaçants à chaque tournant, dans le seul but de se dépasser, de découvrir le monde tel qu'il est et d'en rapporter des échantillons à ceux qui restent. Non, ce ne sont pas des touristes. Oui, ils diffusent une image vraie de notre planète et de ses hommes. Oui, ils sont sans doute un peu fous, un peu insolents de croire en la possibilité de telles aventures. Mais inutiles, jamais. C'est alors que dans un coin de France, en feuilletant les pages de leurs récits, on se sent transportés à leur suite et des envies d'aventures nous poussent dans le dos comme des ailes à briser les murs...

mercredi 8 septembre 2010

Vision du tourisme

"Le tourisme? C'est une plaie! C'est envoyer des gens qui seraient mieux chez eux à des endroits qui seraient mieux sans eux!"
(Extrait de A. Poussin et S. Tesson, "On a roulé sur la terre")


... et ce n'est pas moi qui le dis... quoique... ça pourrait...

Les Drus, Haute Savoie, photo: maman de emi.