mardi 27 juillet 2010

Le p'tit train

Fin du suspense. Après réflexion, je vous présente mon cours récit du train de la mine, de la Mure, "la plus belle ligne des Alpes" dit-on, en tout cas une curiosité locale à visiter, dans laquelle il fait bon se perdre une apres midi entière, le nez dans le vent et les yeux vers les gorges turquoise.
Départ! Tout le monde en voiture. Nous voilà partis pour deux petites heures de dépaysement qui commencent par le passage dans un tunnel sombre duquel on ne voit, par moment, que les ombres de petits diables, ceux de la mine, mimant l'activité minière. De quoi se plonger quelques années en arrière lorsque le train conduisait encore les mineurs de charbon vers leur poste de travail, dans les entrailles de la terre. Soudain, c'est le grand soleil. Les quatre wagons défilent en équilibre sur un viaduc qui surplombe toute la vallée. La vue est imprenable sur les sommets alentour et plongeante vers la vie d'en bas. Vertige. C'est l'aventure.
Petit à petit, le Drac, ce cours d'eau, presque dragon, verdoie entre les collines, pointe le bout de sa queue tel un reptile allongé. Les eaux sont retenues par plusieurs barrages, prêtes à inonder la vallée. L'homme croit parfois maîtriser la nature. Qu'en est-il vraiment?
Les voyageurs se penchent aux fenêtres du train, attirés par ces couleurs saturées de soleil et par la beauté étincelante des eaux saupoudrées du soleil de juillet. Les mots ne suffisent pas.
Au retour, déjà, les paysages dans l'autre sens paraissent familiers, même si leur beauté à l'envers n'a rien à envier à celle de l'aller et prend d'autres expressions tout aussi irréelles. On se prend alors à rêver, seul dans un wagon, assis sur les bancs de bois et on s'imagine aventurier, baroudeur ou voyageur sans autre bagage que les rêves d'enfant assoiffé d'ailleurs.
Terminus! Tout le monde descend. Mais l'esprit, lui, vagabonde encore à ce jour...

(Photos:emi)

lundi 26 juillet 2010

Cher absent

Bernard Giraudeau, Cher amour, 2009.

La vie prend parfois des maudites tournures symboliques. C'est au moment où je commence le dernier, et le mot n'est pas anodin, roman de Bernard Giraudeau que sa disparition s'affiche sur tous les écrans de télévision. Je poursuis cependant ma lecture, cette triste nouvelle la teintant de la nostalgie d'un ultime plaisir, celui de plonger avec délice à travers les lignes de cet écrivain et de cet homme hors normes, pour qui vivre l'instant n'était pas qu'une phrase toute faite.

"Cher amour", c'est un retour sur ses expériences passées d'infatigable bourlingueur, des salles des machines de la Jeanne d'Arc à l'Asie en passant par l'Amérique du Sud, entremêlées de réflexions sur son travail de comédien. Le tout écrit, avec un style inimitable passant sans heurts, avec l'agilité d'un équilibriste connaissant bien son numéro, du lyrique au descriptif, parfois familier, jamais vulgaire, sur un ton tantôt mélancolique, tantôt moqueur, non dénué d'autodérision et adressé à une "chère absente", une femme fantasmée et rêvée, imaginée et dessinée au fil des années, compagne de ses voyages et projection irréelle de ses désirs profonds.

"Cher amour", un dernier clin d'oeil à la vie et au lecteur, une ultime invitation au voyage.

samedi 24 juillet 2010

Les mines d'anthracite en Isère

La région au sud de Grenoble est réputée pour ses mines de charbon qui ont fermé relativement récemment: 1956 pour celle de la Motte d'Aveillans, 1997 seulement à la Mure. Dans tous les pays du monde, une ancienne région minière porte forcément les traces de l'activité industrielle et d'un mode de vie particulier dans le paysage. Anciennes installations peu à peu usées par la rouille mais encore debout, maisons alignées et semblables des mineurs, terrils, chemins de fers usagés. Autour de la ville de la Mure en Isère, presque toutes ces marques sont encore omniprésentes.
L'unique différence avec les mines du nord de la France étant en Isère l'absence remarquée de terrils, ces amas de roche rejetée des galeries et sans minerai exploitable. Dans les Alpes, les habitants disant non sans humour qu'ayant déjà des sommets, ils n'avaient pas besoin de montagnes supplémentaires, on a plutôt cherché à combler les combes existantes entre les cimes en y entassant ces tas de gravas sans minerai. C'est ce qu'on appelle des "rasiers". Remarquons que cette méthode est ignorée en Bolivie où on a formé d'autres montagnes, les "desmontes", à la manière de terrils qui ont redessiné le paysage.
Aujourd'hui, les anciens chemins de fer empruntés par les mineurs sont devenus une ligne touristique (dont je vous parlerai dans un autre article, quel suspense!) et la mine de la Motte d'Aveillans un musée où l'on peut se rendre compte de l'organisation du travail et entrer dans les galeries accompagné d'un guide qui raconte la vie de la mine et des mineurs. Mêlant une documentation pointue et des anecdotes plus personnelles confiées par les anciens travailleurs eux-mêmes, cette visite reste un document passionnant et l'un des derniers témoignages de ce passé industriel minier français.
J'ai vu les mines boliviennes et les mines du centre de la France et des Alpes. Etain, argent, charbon, toutes les mines du monde se ressemblent. Même travail harassant, même vie à part, même mentalité fière de sa condition de mineur, même nostalgie face aux fermetures d'exploitations. Pour moi, c'est toujours une nouvelle émotion de pénétrer dans les entrailles de la terre. Et même si les mines françaises ne sont pas habitées par le Tio bolivien, cette divinité dont je vous avais déjà parlé mais que je ne me lasse pas de raconter, on ressent, sous la terre, dans la pénombre, la force de la matière et de la nature, le courage des hommes et la relativité de toute chose. Loin de la surface, les choses sont immédiatement remises à leur place.
Dernier regard sur la Motte d'Aveillans. L'anthracite présent dans cette terre rude était le plus pur du monde. Le diamant a une pureté naturelle de 100 pour cent; le charbon d'ici est pur à un pourcentage de 99,5. Aujourd'hui, au musée, on en fait et vend des colliers et des bracelets, seuls souvenirs matériels de cette épopée alpine du charbon. Le seul souhait à émettre serait qu'elle ne tombe jamais dans l'oubli.

(Photos:emi)

vendredi 23 juillet 2010

Le Vercors

Plutôt habituée à arpenter les rues et les sentiers des grandes Alpes du nord, à me perdre dans les rues de Chamonix, à rêver de m'envoler du haut des Aravis, je n'étais jamais "descendue" plus bas que Saint Jean de Maurienne... Le Vercors était donc un autre monde, un ailleurs encore à découvrir. C'est aujourd'hui en partie chose faite, depuis cette semaine de vacances entre Vizille et la Mure, un charmant échantillon de cette région, certes moins impressionnante en altitude, mais qui a au moins le mérite de se rapprocher des grandes montagnes que je connais si bien. La nostalgie est au bout du voyage.En partant du nord pour aller vers le sud, je vous ferai grâce de l'horrible station de Chamrousse dans les nuages, immeubles de béton fantômes façon Flaine un jour de pluie. En revanche, la ville de Vizille et son château majestueusement assis dans un grand parc agréable valent le détour.Plus au sud, en direction de la Mure (ville d'où part le fameux petit train, dont je vous parlerai dans un autre article, pas de panique), c'est un chapelet de lacs qu'on rencontre: Laffrey, Petichet, les Cordeliers, et quelques autres dont j'ai évidemment oublié les noms. On peut s'y baigner, y faire du bateau, se reposer. C'est un lieu idéal pour ceux qui recherchent la tranquillité ainsi que pour ceux qui reviennent d'une longue rando et aspirent à se plonger les pieds dans une eau claire et bienfaitrice pour les tatanes endolories.

Continuons notre descente vers le sud et rendons nous, brièvement, à notre dame de la Salette. Grosse bâtisse faisant office d'église et plantée sur un plateau d'où la vue est pourtant magnifique, ce qui ressemble vaguement mais sûrement à un hôpital ne vaut pas un long détour. Contrairement à d'autres sites religieux où même le païen ressent toute la connexion entre la pierre et la nature et peut partager cet élan vers le ciel, les cimes ou le divin, cet ensemble là reste froid et presque inquiétant, n'entretenant aucun lien spirituel et physique avec le milieu qui l'entoure. Ma conversion attendra donc encore un peu.
Reprenons vite, très vite, le chemin du Désert. Avec une majuscule, s'il vous plaît, puisqu'il s'agit d'un village au bout d'une route, certains esprits peu enclins à l'aventure diraient même au bout du monde. Le Désert, c'est le dernier oasis avant le grand saut dans le Parc des Ecrins, un joyau de la nature Alpine: cimes découpées avec précision, rochers saillants, plateau gorgés de fleurs et de ruisseaux transparents, prairies escarpées. Tout incite à la randonnée, à des départs vers les sommets enneigés. Malheureusement, les conditions ne m'ont pas permis de pousser jusqu'à ce monde qui m'est si familier. Disons qu'il s'agissait d'une sorte de repérage, en tout cas des retrouvailles, une réaffirmation des liens qui m'attachent à la montagne.
(photos:emi)

samedi 17 juillet 2010

P... de navire

Il en a pris des tonnes, Bernard Giraudeau, des navires. Qui l'ont mené au bout du monde, qui l'ont fait voyager dans tous les esprits, sur les écrans, à travers les lignes d'un livre. Plusieurs époques, sans doute plusieurs vies. Comme celles qu'il s'amusait parfois à mettre en scène dans certains de ses documentaires. Un aventurier rêvé, un baroudeur artiste, et vice versa. Des décharges de Manille aux mines chiliennes de Chuquicamata, du retour au pays d'un exilé chilien aux sommets des cordillères andines, il nous en a montré des paysages et des visages, des sourires lumineux d'enfants et des sourires ridés de vieilles femmes boliviennes. Et des regards, des centaines de regards, dont le sien, qui traversait l'écran pour venir se planter là, face à nous, comme une invitation au voyage. Le dernier navire qu'il avait pris, c'était une barque incertaine mais dont il était le capitaine déterminé. Le cancer, comme il disait, est venu questionner sa vie. Et après la disparition à l'horizon de ce fichu bateau dont le capitaine Giraudeau a aujourd'hui largué les amarres, c'est sa vie à lui, avec ses engagements, ses voyages et ses éblouissements, qui vient questionner la nôtre. C'est une belle leçon, un désir d'ailleurs, une envie de nouveau départ qui nous taraude. Vite, maintenant, "On the road again", avant qu'il ne soit trop tard...

vendredi 16 juillet 2010

Il faut lire?

Daniel Pennac, Comme un roman, 1992.
"Il faut lire!". Voilà une obligation, un ordre qu'on a tellement entendu étant enfant qu'on a fini par être dégoûté de la lecture. Découpage de texte, auscultation sur toutes les coutures, chirurgie grammaticale, psychologie interprétative de bas étage. De quoi rebuter le plus passionné des lecteurs. Plus d'un se retrouvera dans cette œuvre de Pennac, véritable plaidoyer contre la lecture forcée, pour la liberté de choix. Lire ou ne pas lire, c'est avant tout un droit. Et je m'identifie parfaitement à cette classe de non lecteurs lycéens qui, à force de dissertations et d'injonctions à lire ces fameux livres "au programme", ont freiné des quatre fers pour finir par renoncer définitivement à posséder une quelconque culture littéraire. Lire? Trop long, trop compliqué, trop douloureux, trop ennuyeux. Le professeur Pennac expose la méthode qu'il a mise en place face à une assemblée d'élèves réfractaires: pas de commentaires de texte, pas de devoirs de lecture, non, simplement, il avait décidé de lire à voix haute, comme le font les parents avec les enfants, comme on raconte une histoire, pour donner le goût d'aller fouiner à la bibliothèque pour y dégotter la suite de l'histoire. Pari réussi. On se prend à rêver. Et notre cancre favori de scander en conclusion les droits imprescriptibles du lecteur qui commencent par: le droit de ne pas lire, le droit de sauter des pages, le droit de ne pas finir un livre, le droit de relire... De quoi nous réconcilier avec la lecture plaisir, celle qui s'apparente à le bien être qu'on ressent en croquant dans un carré de chocolat ou en buvant un verre d'eau fraîche...