dimanche 31 août 2008

San Joaquin

Hier avait lieu à Cochabamba, dans la Zona Sud, quartier de Jayhuaycu, la fête de San Joaquin, au cours de laquelle 36 "fraternidades" (groupes folkloriques) ont défilé, depuis l'avenue Heroinas jusqu'au temple de San Joaquin, en empruntant le parcours habituel: Ayacucho, Aroma, San Sebastian, Fuerza Aerea, plaza 14 de noviembre, jusqu'à Jayhuyacu. Pour avoir vécu cette fête l'année passée, je peux dire que l'ambiance est assez différente de celle de Urkupiña à Quillacollo puisqu'ici le parcours, même s'il est très organisé, se termine à Jayhuaycu en véritable fête de quartier, voir presque fête de village dans ce quartier très populaire de la Zone Sud de Cochabamba: feux d'artifices, bons petits plats cuits dans la rue, proximité des danseurs (tellement près que les cholitas se voient obligées en arrivant d'ôter leurs pesantes boucles d'oreilles en or pour ne pas se les faire arracher...). C'est l'occasion pour chacun de se retrouver, de revoir de vieilles connaissances, de boire un coup ensemble (enfin pas qu'un coup puisque le journal titre ce matin sur "la consommation excessive d'alcool d'hier soir". Meuh nooon!). Les plus mentionnés du jour dans la presse sont quand même les "pasantes", c'est-à-dire la famille qui chaque année organise la fête selon un système de roulement. Une sorte de charge religieuse par alternance qui témoigne de la dévotion de la famille en question, puisque c'est elle qui est chargée d'accueillir le saint, ici San Joaquin donc.
Une rue de Jayhuaycu

(Photo:Luis Chugar)

mercredi 27 août 2008

Trois petites notes...

"Trois petites notes de musique ont plié boutique au creux du souv'nir..."
Que ne vois-je pas à l'instant en ouvrant ma fenêtre? J'avais bien entendu un semblant de musique dehors, il fallait que j'en ai le coeur net. Et voilà que juste devant chez moi un joueur d'orgue de barbarie, casquette de marin et grand sourire, répandait sa bonne humeur entre les immeubles, saluant les apparitions des voisins d'un geste de la main au rythme des notes de son vieil instrument tout en bois. Je ne vis pourtant pas dans un quartier touristique, et je suis plus habituée au va et vient des camions poubelles ou de la police. Alors une telle sérénade de bon matin, c'était vraiment inespéré, rafraîchissant. Les enfants lançaient des pièces au musicien que sa femme récupérait et mettait dans une corbeille en osier placée sur l'orgue, et tous les deux tout heureux. Il y a des jours comme ça où on se dit que ça vaut la peine d'ouvrir sa fenêtre comme d'ouvrir les yeux dans la vie pour guetter ces moments uniques de fraternité et de petits bonheurs simples. Je tenais à vous faire partager celui-là.
"Mais un jour sans crier gare, elles vous reviennent en mémoire..."

mardi 26 août 2008

Les ministres du Diable

Pascale Absi, Les ministres du Diable, Le travail et ses représentations dans les mines de Potosi, Bolivie, L'Harmattan, 2003.
Dans cet ouvrage qui est en fait la reprise de son travail de thèse, Pascale Absi se propose de "partir du religieux pour aborder les différens paramètres de l'expérience minière", en d'autres termes de se baser sur "l'étude des rituels miniers et de leur relation avec l'organisation sociale de la production". Son étude a pour cadre les mines du Cerro Rico de Potosi et essentiellement les coopératives, laissant de côté le contexte des mines de la COMIBOL, l'entreprise d'Etat démantelée depuis les années 80 et en 2003 pas encore réactivée puisque ce n'est qu'avec l'arrivée au pouvoir de Evo Morales il y a deux ans que le processus a été entamé.
Pascale Absi propose deux premières parties du plus grand intérêt puisqu'elle y parle des "hommes de la mine"( l'histoire des coopératives; l'origine paysannes des mineurs qui y sont employés et leurs relations avec les communautés; la place à part, en marge, du mineur dans la société et les clichés et préjugés qui sont associés à sa profession et à son statut), puis des "divinités de la mine". Elle évoque dans cette deuxième partie toutes les croyances et tous les rituels en rapport avec la montagne-Pachamama, le Tio et autres êtres maléfiques présents dans la mine -les saqras- ainsi que le syncrétisme de ces croyances avec la religion catholique.
Dans la troisième partie, Pascale Absi étudie l'évolution des rituels et des cultes miniers: prolifération des pactes individuels avec le Diable qui visent à l'obtention d'une richesse personnelle et immédiate; folklorisation de la figure du mineur lors des fêtes, notamment celle de Ch'utillos, qui équivaut à une tentative d'évacuation de son identité de mineur.
Enfin dans la quatrième et dernière partie, l'auteur se propose de référencer les différentes maladies existentes chez les mineurs et dues la plupart du temps à la création d'un déséquilibre entre le travailleur et les forces cosmiques, et ce à cause d'une relation déviante avec les entités diaboliques qu'il fréquente au quotidien. Finalement, elle évoque la question de la non-présence des femmes dans la mine en partant d'une explication sexuelle du travail d'exploitation de la montagne et du minerai qu'elle renferme.
La Ch'alla au Tio dans une mine de Potosi
(Photo:emi)
Un travail très complet en fait, mais qui peut aussi lancer le débat sur un autre terrain. J'ai souligné que Pascale Absi ne traitait que des mineurs des coopératives. Selon elle, le fait qu'ils aient gradé de nombreux contacts avec leurs communautés paysannes d'origine est proportionnel à leur absence de conscience de classe. Autrement dit, plus le mineur assume des revendications prolétaires, plus il s'éloigne de ses origines autochtones. Elle argumente sa thèse en soulignant le rôle attribué au fêtes dans l'aliénation des travailleurs par les syndicats miniers d'orientation marxiste.
Je me pose la question: cette vision n'est-elle pas encore réductrice? Les mineurs coopérativistes se caractérisent-ils par une absence totale de conscience de classe? (les événements actuels tendent à démontrer le contraire). Ne se sentent-ils pas mineurs au même titre que ceux de la COMIBOL? Et par ailleurs, le fait d'être mineur de la COMIBOL implique-t-il un total abandon, un rejet et une négation de l'héritage autochtone? (l'organisation d'un acullicu, cérémonie autour de la feuille de coca, après le récent blocus des routes dont j'ai parlé dans un précédent article, ainsi que d'autres manifestations rituelles permettent d'en douter...)
Je ne m'avancerai pas plus dans la réflexion, vous avez compris, je suis sur le coup!

mercredi 20 août 2008

Clin d'oeil à Patxi

En réponse à Patxi:
http://amlatineterecuerdo.blogspot.com/2008/08/la-onu-par-quino.html
qui dans cet article publie une planche de l'humoriste Quino sur l'ONU, et qui m'a immédiatement fait penser à ce poème présent dans un disque de Bolivia Manta.

La Gran Marcha
(Bolivia Manta / Ñanda Mañachi)

Los señores discuten sobre nuestra suerte
Los antropólogos nos buscan las muelas del abuelo
Los sociólogos fotografian nuestras chozas
Los economistas nos suman las carencias
Los políticos formulan planes redentores
Y todos multiplican el pan en el papel
Y nos recitan los derechos humanos

Mas Juan sigue sin tierra
Pedro se pone la última camisa
Antonio cumple cien años sin zapatos
Manuel deja sus manos en la fábrica
Luis, sus pulmones en la mina
Julián no sabe escribir « Julián »
Alfonso dice “mierda” y le fusilan

Sí señores, sabemos de la Alianza para el Progreso
No ignoramos por cierto de la OEA ni de la ONU
O de la integración del hemisferio
En fin, pero los rótulos y las siglas no alimentan
Y esta sopa bilingüe ni siquiera sirve para el engorde de los cerdos
Y en caso ha de servir, de qué nos sirve,
Cuando las Santa Iglesia que lava con champán los pies del Nazareno
Sabe que somos pecadores inferiores al puerco ?




La Grande Marche

Les messieurs débattent sur notre sort
Les anthropologues cherchent les dents de nos vieux
Les sociologues photographient nos huttes
Les économistes additionnent nos carences
Les politiques formulent des plans rédempteurs
Et tous multiplient le pain sur le papier
Et nous récitent les Droits de l’Homme

Mais Juan est toujours sans terre
Pedro use sa dernière chemise
Antonio fête ses cent ans sans chaussures
Manuel laisse ses mains à l’usine
Luis, ses poumons dans la mine
Julian ne sait pas écrire « Julian »
Alfonso dit « merde » et on le fusille

Oui messieurs nous connaissons l’Alliance pour le Progrès
Nous n’ignorons pas bien sûr l’OEA ni l’ONU
Ou l’intégration de l’hémisphère
Bref, mais les slogans et les sigles n’alimentent pas
Et cette soupe bilingue ne sert même pas à gaver les cochons
Et même si c’était le cas, à quoi cela nous sert,
Quand la Sainte Eglise qui lave au champagne les pieds du Nazaréen
Sait que nous sommes des pécheurs inférieurs aux porcs ?

samedi 16 août 2008

WARA - AGUA CLARA



Avis aux nostalgiques de la bonne vieille époque, le groupe Wara donnera deux concerts au Théâtre Acha de Cochabamba demain et samedi 1er et 2 août. Ils reprendront à cette occasion tous les titres de leur album "Maya" (1 en aymara), sorti en 1975. La célèbre voix de Dante Uzquiano et ses compères Clarck Orozco, George Cronembold Carlos Daza, Fernando Jiménez, etc.. rejoueront donc des morceaux comme "aymara", "huaycheñita", "fiesta aymara", "achachilas"... C'est dans ce disque "Maya" que le célèbre groupe de rock bolivien a commencé a intégrer à la musique électronique les rythmes et les instruments autochtones de leur pays (tarkas, zampoñas, charango...), se présentant ensuite comme une référence dans ce domaine jusqu'à aujourd'hui. A mon avis, personne n'a encore fait mieux dans le style, et ce n'est pas faute d'avoir essayé...!
Une petite video pour la route... pour tous ceux qui ont passé les années 70 à écouter Quilapayune ou Inti Illimani: il n'est jamais trop tard pour écouter de la vraie musique!!

mardi 12 août 2008

Paris exotique

A force de ne pas sortir de sa capitale, pourtant la plus belle du monde, on en attrape des fourmis dans les jambes, on souffre d'une bougeotte largement prononcée, on est même prêt à passer une après midi dans une gare ou un aéroport, juste comme ça, pour rêver qu'on part malgré tout. Je sais, dans la vie on ne fait pas toujours ce qu'on veut, n'empêche qu'il faut bien trouver des stratagèmes pour voyager quand même. Alors il y a les bouquins, les reportages à la télé, et puis il y a le "Paris exotique". Et parfois j'avoue qu'en satisfaisant son estomac dans un superbe petit resto indien, on va beaucoup, mais alors beaucoup mieux. Je vous conseille, que dis-je, je vous recommande vivement d'orienter vos pas-pilles vers le 20ème arrondissement:
Restaurant NEELKANTH
12 bis rue de la Chine
75 020 PARIS
Vous entrez dans une petite salle à l'ambiance feutrée, claire et au décor délicat, où on vous installe comme des princes à une table soignée, petite bougie en prime. Le menu est excellent et la cuisine fine et parfumée. J'ai testé pour vous un délicieux saumon au curry d'une douceur et d'une onctuosité hors concours, accompagné de riz aérien, de nan au fromage et ses sauces. Tout est très raffiné, en particulier le service, discret et plein d'élégance et d'attentions. En sortant, à défaut de vous être déplacés dans l'espace, vous avez fait voyager vos papilles et vos sens dans un monde fort agréable et vous vous sentez comment dire... légers, légers... sur un petit nuage.
A la mosquée de Paris
(Photo:emi)

lundi 11 août 2008

62,4%


C'est le score par lequel le peuple bolivien a réaffirmé Evo Morales et son gouvernement dans leurs fonctions lors du referendum d'hier. A tous ceux qui croyaient que le Président allait être désavoué, ce chiffre met une grosse claque et confirme que les boliviens sont toujours favorables au changement qui a été entrepris dans leur pays depuis l'election d'Evo en 2006. Evidemment les préfets de droite se sont maintenus dans les départements de la Media Luna mais Evo gagne largement dans les départements de LaPaz, Oruro et Potosi avec en moyenne 80% d'opinions favorables. Comme quoi je le disais bien dans un article précédent, le conflit sur les retraites avec les mineurs n'avait rien à voir sur le fond avec la question posée au référendum, la preuve par l'image, puisque le score est le plus fort justement dans les département miniers. Par ailleurs, si par exemple le MAS perd à Tarija, il est cependant donné vainqueur dans les régions rurales du même département, ce qui signifie que le peuple est bien encore son meilleur soutien, et que l'opposition se situe toujours dans les secteurs les plus favorisés, ceux qui sont susceptibles de perdre leurs "privilèges" au fur et à mesure des réformes. Enfin, soulignons que ce cher Manfred perd largement à Cochabamba, lui qui il y a quelques semaines jugeait le référendum illégal et refusait d'y participer, craignant déjà une lourde défaite. C'est chose faite, "bon débarras" diront les habitants de Cochabamba qui en avaient par dessus la tête de leur préfet corrompu. Manfred quant à lui parle ce matin de "victoire frauduleuse"et insiste sur le fait que le pays est de plus en plus divisé après les résultats d'hier. Comment nier l'évidence jusqu'au bout... En ce qui concerne le déroulement des votes, tout s'est passé presque sans incidents, si ce n'est quelques membres de la "Juventud Cruceña" -organisation d'extrême droite comme son nom l'indique, si c'est encore la peine de le préciser- qui ont tenté d'empêcher les gens d'aller voter. Que ne ferait-on pas pour éviter une défaite... Rappelons nous que ce furent les mêmes qui lors du référendum sur l'autonomie -bel et bien illégal celui-ci- organisé par le Comité Civico de Santa Cruz avaient écarté les journalistes de la zone de vote. Santa Cruz et démocratie sont deux termes qui, cela se confirme, sont en totale opposition. Evo est donc maintenant bien confirmé dans ses fonctions et a l'aval de son peuple pour continuer sa politique de réformes, n'en déplaise à l'opposition.

samedi 9 août 2008

A lire absolument

Non, tout le monde n'est pas mal informé, parti pris ou à côté de la plaque en ce qui concerne l'Amérique Latine et la Bolivie. Lisez cet article de Michel Collon qui est juste en tout point, parfaitement argumenté et qui décrit la situation en Bolivie de manière claire et sans détours:

jeudi 7 août 2008

Conte

Shafique Keshavjee, Le Roi le Sage et le Bouffon, Seuil, 1998.
Celui-là aussi vous pouvez le lire sans faire beaucoup d'effort, un jour de canicule. Dans le genre histoire sur les religions, on avait Le voyage de Théo, plus long, plus complet. Ici c'est un tout autre style que nous découvrons. Figurez-vous que dans un royaume pas très loin de chez nous, le Roi s'inquiète: ses sujets, depuis quelques temps, n'ont plus l'enthousiasme d'avant. Entouré de son Bouffon et de son Sage conseiller, il en conclut que ce qui manque à son peuple, c'est une religion. Seulement laquelle choisir? Il décide alors d'organiser un grand tournoi des religions en invitant un représentant de chacun des grands courants: christianisme, islam, judaïsme, hindouisme, bouddhisme, athéisme. Les six délégués devront s'affronter lors de JO -Joutes Oratoires, ne vous y trompez pas- au cours desquelles ils devront expliquer en quoi consiste leur courant religieux, devant un public et surtout un jury qui devra sélectionner le meilleur d'entre eux. Seulement les choses se compliquent: un spectateur un peu véhément, une lettre de menace, une agression contre la fille de l'un des représentants religieux, et les événements prennent une toute autre dimension. Mais qui sème donc le trouble dans ce Tournoi? Et quelle religion le Roi va-t-il choisir pour son peuple? Je vous laisse le découvrir en lisant ce cours roman au rythme enlevé qui sait, malgré quelques explications religieuses un peu complexes, nous captiver par le suspense qu'il instaure -jusqu'au "sprint final"-, son rythme enlevé et surtout une dose d'humour non négligeable, notamment dans les répliques de l'impertient Bouffon:
"Sais-tu quelle différence il y a entre un méchant grand gourou et un gentil kangourou? Aucune. Car tous les deux aiment empocher!"
ou encore dans certaines paraboles des compétiteurs religieux:
"Comment vous présenter le christianisme? En nombre, c'est la religion la plus importante de l'humanité, avec plus d'un milliard et demi d'adeptes. Mais, comme me le disait un ami, il y a trois sortes de mensonges: les petits mensonges, les gros mensonges... et les statistiques!"
Notons qu'à la fin de l'histoire, le lecteur, après avoir lu le compte rendu des JO effectué selon le désir du Roi, est sollicité pour donner son avis sur la décision du souverain en écrivant au dit rapporteur du Tournoi, dont on nous donne l'adresse en conclusion. Le souci du détail poussé jusqu'au bout!

mercredi 6 août 2008

Et dire qu'on les paie pour ça...

Je ne résiste pas au plaisir de vous faire lire ce que les journalistes écrivent sur les événements d'hier en Bolivie. Tout y est: erreur de localisation, confusion entre différents types de conflits, amalgame entre tension sociale et référendum politique, raccourcis avec des citations hors contexte... Du travail d'incapable en quelque sorte. Et on dit ensuite que les français connaissent mal là Bolivie: ce n'est pas étonnant, avec de la désinformation pareille. Mais payez moi, j'y vais moi faire correspondante de presse en Bolivie! Et sur les mines en plus, difficile de me coller...
LA PAZ, 5 août, Reuters
"(...) Les deux décès sont survenus eux lors d'affrontements entre mineurs grévistes et forces de l'ordre dans la principale mine d'étain du pays.
Les violences se sont produites sur le site de Huanuni, où les mineurs sont en grève pour réclamer la retraite à 55 ans et un relèvement des pensions. Elles ont éclaté lorsque des policiers ont tenté de déloger des grévistes qui bloquaient une route, a précisé le ministre de l'Intérieur, Alfredo Rada.
"C'est un massacre, et la responsabilité en revient au seul (président) Evo Morales", a dénoncé le leader syndical Felipe Machaca au micro de radio Erbol.
La mine de Huanuni, à 260 km au sud de la capitale, La Paz, est régulièrement le théâtre de mouvements sociaux et de troubles. En avril, les mineurs avaient fait grève pendant douze jours. Fin 2006, la production avait été stoppée plusieurs semaines à la suite de violents affrontements entre des groupes rivaux de mineurs qui avaient fait 18 morts.
La Bolivie vit sous tension à l'approche du référendum révocatoire de dimanche, lors duquel Evo Morales a accepté de remettre son mandat en jeu.
Pour son ministre de l'Intérieur, ces incidents sont politisés. "Ces manifestations ont un fond politique, ils veulent que (Morales) perde le référendum", a dit Rada."
N'importe quoi!

On prend les mêmes et on recommence

Depuis quelques temps déjà en Bolivie la tension augmente, tout ça à cause d'une Ley de Pensiones, promise par Evo Morales pendant sa campagne électorale, et qui ne convient pas à certains secteurs, mineurs en tête. Manifestations, grèves, bloqueos... Et puis hier la police intervient pour débloquer la route La Paz-Oruro. Soit disant les forces de l'ordre n'étaient pas armées. Mais les choses tournent mal et deux mineurs de Huanuni sont tués par balle à Caihuasi. Le gouvernement les soupçonne aujourd'hui d'avoir eux mêmes été en possession d'armes. Dans la presse ce matin on parle par ailleurs d'une trentaine à une cinquantaine de blessés, selon les journaux, pour la plupart mineurs de Huanuni. Après ces événements, les choses n'en sont pas restées là puisque les femmes de mineurs se sont mobilisées à Oruro et ont empêché le déroulement du défilé des écoles, en cette veille de fête nationale. Une mobilisation "comme au bon vieux temps", environ 4000 mineurs étaient venus bloquer la route à Caihuasi. Et on retrouve aussi une constante: la participation active des femmes.
Le résultat est de toute façon l'arrêt des négociations pour la Ley de Pensiones entre le gouvernement et la COB (Central Obrera Boliviana), tant que les affrontements continuent. D'autre part, PODEMOS (l'opposition) en profite pour accuser le gouvernement de cette violence, en oubliant peut être que du temps où eux et leurs compères étaient au pouvoir les choses tournaient autrement plus mal... Je ne reviendrai pas sur le "febrero negro" de 2003dont tout le monde se souvient.
Aujourd'hui, jour de fête nationale, les choses semblent s'être un peu calmées. La COB a prévu d'organiser un acullicu (cérémonie, réunion où on mâche des feuilles de coca) entre les travailleurs pour se recentrer et redéfinir leurs demandes. Il ne semble pas que la COB et par conséquent les mineurs empêchent le bon déroulement de la fête nationale ni du référendum du 10 août, étant de toute façon plutôt favorable au gouvernement, contrairement aux mineurs des coopératives qui eux sont pilotés par l'opposition. Ici le conflit concerne les mineurs de l'entreprise nationale et le blocage des routes est surtout un moyen de pression pour faire valoir leurs droits et pour pousser Evo a appliquer ses réformes. On sait déjà que les mineurs ne font pas dans la dentelle, d'où les manifestations qui parfois tournent mal, comme hier. De là à craindre pour Evo lors du résultat du référendum et envisager sa révocation, il n'y a qu'un pas que l'opposition franchit allègrement. Mais il ne semble pas que les choses en arrivent là, la COB ne représentant pas tout le pays, et de toute façon n'étant pas favorable à l'opposition. Ces événements et le référendum du 10 août, même s'ils sont proches dans le temps, n'ont pourtant pas beaucoup de rapport sur le fond.

mardi 5 août 2008

Maudit progrès!

C'est à peu près la cinquième fois que j'essaie de vous parler des concerts du groupe Wara, qui cette fois sont passés puisqu'ils avaient lieu le week end dernier au théâtre Acha de Cochabamba. Ce qui se passe c'est que la video que You Tube m'avait promis de poster sur mon blog "shortly" n'est jamais apparue, malgré mes tentatives répétées... Je vais donc tenter de réparer ce préjudice en copiant collant le lien de la fameuse video -c'est moins pratique pour vous, ça vous fait changer page, je sais, c'est moins joli aussi. Ne remuons pas le couteau dans la plaie. Toujours est-il qu'il s'agissait là de vous parler de deux concerts événements: Wara, célèbre groupe de rock des années 70, rejouait là entre autres les morceaux de leur album "Maya", sorti en 1975. C'est à partir de là qu'ils ont commencé à fusionner la musique électronique et les instruments et les rythmes traditionnels boliviens pour donner une alchimie qu'encore aujourd'hui ils sont les seuls à maîtriser. D'autres s'y sont essayé, avec beaucoup moins de succès... C'était donc l'occasion de réentendre la célèbre voix du charismatique chanteur Dante Uzquiano et des thèmes comme "Fiesta Aymara", "Coca", "Huaycheñita", etc... Et je vous mettais donc en lecteur exportable cette chanson:
(cliquez donc sur le lien, je vous en prie)
en la dédiant à ceux qui, je cite "dans les années 70 n'ont écouté que Quilapayun et Inti Illimani, pour leur montrer ce que c'est que de la vraie musique". Bref... Contre temps à moitié réparé.
Personne n'avait l'intention d'aller aux concerts au moins?...

Rendez-vous

Vous êtes cordialement invités par la communauté bolivienne à célébrer en commun la fête nationale. Au programme concerts, matchs de foot, danses, spécialités gastronomiques et liquides. Si le coeur vous en dit...
(ah au fait, le groupe que vous voyez en photo en haut à droite sur l'affiche, ce ne sont pas les Kjarkas, malgré le poncho identique, c'est juste les Quechua Sonqoy, rien, mais alors rien à voir... L'habit ne fait pas le moine! Mais je m'arrêterai là...)

lundi 4 août 2008

L'Eglise fait campagne

Deux discours, deux courants s'affrontent en ce moment en Bolivie. D'une part, le gouvernement qui veut réactiver la culture et les traditions autochtones. Ce week end par exemple avait lieu à Cochabamba la seconde édition de la "entrada de grupos autoctonos - Rijch'ariy 2008" sur le célèbre Paseo del Prado. La mairie et le gouvernement appuient cette manifestation culturelle au cours de laquelle ont défilé une vingtaine de groupes comme Ponchos Verdes (Tarqueada), Sartawi (Sikuriada), Comunidad Chaupirana del N. Potosí (Pinkillada) etc... Evidemment q'oa et ch'alla ouvraient les festivités, réaffirmation des rites et des croyances indigènes, surtout en ce mois de la Pachamama qui vient de commencer.

Tarkeada Ponchos Verdes
(Photo:emi)

Parallèlement, on prépare à Quillacollo les festivités de Urkupiña, et la voix de l'Eglise à travers les discours de monseigneur Tito Solari, évêque de Cochabamba, se fait entendre comme tous les ans -et d'autant plus depuis l'élection de Evo Morales- pour évoquer avec force le caractère de "réconciliation" de cette fête catholique, rappelant que la Vierge de Urkupiña est symbole d'"unité" pour le peuple bolivien. Possédé par l'opposition Monseñor! Il recrache exactement le même discours que la droite, cherchant par la même occasion à faire revenir les fidèles vers le catholicisme pur et dur, à travers l'adhésion à ce culte de Urkupiña qui serait symbole d'unité en ce qu'il fait coexister religion et croyances traditionnelles. Pourquoi suivre le Président et insister sur le caractère indigène de la culture bolivienne quand la Vierge elle même syncrétise toutes les croyances? Récupération en quelque sorte, la bonne vieille méthode des évangélisateurs du temps de la Colonie qui faisait avaler aux indiens que la religion catholique ressemblait beaucoup à la leur. Mais aujourd'hui les opprimés se sont réveillé depuis longtemps et n'en font bien qu'à leur tête, ne sont pas dupes non plus des visées politiques du discours pseudo religieux de Tito Solari... Oui d'accord, on veut bien assister à la messe de la Vierge, mais avant tout il est impératif d'effectuer le rituel à la Pachamama, il y a des priorités. Et puis la messe en même temps si on la rate, ce n'est pas bien grave, après tout, personne ne nous y oblige plus?

Le sanctuaire de Urkupiña, derrière le Temple catholique, le Cerro et la ch'alla

(Photo:emi)

dimanche 3 août 2008

La fin d'une aventure?

Bernard Ollivier, Longue marche, Le vent des steppes, 2003.
Il est arrivé! Après 12 000 km entre Istambul et Xi'an en Chine, il a parcouru la route de la Soie à pied, sa route, parsemée de centaines de rencontres, de péripéties plus ou moins drôles ou inquiétantes, de doutes, de souffrances et de moments de joie profonde.
Ce troisième livre (lu en 5 jours!) comprend en fait les récits des deux dernières années de marche de Bernard Ollivier. Si dans les deux premiers chaque jour était pratiquement détaillé et on pouvait le suivre pas à pas, kilomètre après kilomètre, cette fois l'écriture se fait plus elliptique pour ne garder que des instantanées de l'aventure. Et puis tout au long de cette dernière partie on ne trouve plus la magie des rencontres qui avaient pu avoir lieu en Turquie ou en Iran par exemple. Notre marcheur entre en Chine et les habitants de cet immense pays sont loin d'être aussi hospitaliers que les autres. Rien de gratuit, pas de cadeau, Bernard Ollivier en est désapointé et poursuit sa course en avant presque comme une fuite, sans grande passion dans la dernière partie, se demandant toujours où est donc cette sagesse qu'il était parti trouver il y a 4 ans sur les chemins mythiques de la route de la Soie.
Une rencontre cependant, muette mais pas marquée par l'incompréhension (la non connaissance d'une langue ne signifie pas le manque de communication, on ne le dira jamais assez, et vice versa d'ailleurs):
"C'est alors que j'aperçois, marchant en sens inverse, un petit homme étonnant. A ma vue, il éclate de rire, ce que je fais moi aussi en l'approchant. C'est un moine tibétain qui pérégine vers le monastère de Labrang, avant de se rendre à Lhassa. Nous avons un air de famille: le crâne rasé, une barbe de trois jours qui grisonne, le visage et les mains cuits par le soleil et par la pluie. (...)
Il me salue joliment d'une courbette, les mains jointes, pose son sac, délie un petit tapis de crin qu'il étale au bord de la route et nous nous asseyons face à face, indifférents au trafic. Je sors de ma besace pommes et raisins, lui pain et abricots secs. Nous sommes instantanément en empathie. (...) Nous nous comprenons par signes et par rires. (...)
Je m'étonne de la minceur de son bagage, il se moque de mon matériel (...) L'Orient face à l'Occident... J'ai encore fort à faire pour atteindre le dénuement. (...) Cet homme est détaché de tout superflu (...)
Quand il nous semble que nous avons fait le plein de sourires, de gestes affectueux et de démonstrations de sympathie, il boucle son petit sac que d'un ample mouvement il place sur son dos, range ses lunettes, le livre et les photos dans une musette qui lui ceint le ventre, me salue de la même courbette qu'à l'arrivée, les mains jointes et le sourire toujours aussi vif, et me tourne définitivement le dos. Il s'éloigne d'un pas rapide que rythme son bâton, ne se retourne pas une fois. Cet homme vit intensément, avec une conscience vive, chaque instant de sa vie, ayant appris à faire fi de l'accessoire, du lien qui vous endort. A moi d'en prendre de la graine..."
A ceux qui s'étonnent de la performance de Bernard Ollivier qui a marché seul pendant tout ce temps, il répond à la fin de son récit:
"Voici que, au hasard des millions de pas qui m'ont mené jusqu'ici, défilent des visages, des paysages de cette route immense, de bons et de moins bons moments (...) Ils arrivent en foule, mes amis de la route de la Soie, pour me souhaiter la bienvenue, au pied de la tour de la Cloche, au bout de ce chemin de légende. Ils lui donnent vie et chair, habillent l'histoire. On s'émerveille que j'aie pu faire ce chemin en solitaire, mais j'ai rarement été seul. Ils sont tous là, mes compagnons d'un jour ou d'une heure, ces femmes bourrant mon sac de victuailles de peur que je ne meure de faim, ces hommes qui m'ont donné leur amitié et l'accolade de la fraternité, lorsque les mots manquaient pour exprimer l'affection que nous ressentions."
Et si notre marcheur devant l'éternel, parvenu à son but, ne réalise pas tout à fait le parcours accompli, s'il s'étonne de ne pas être plus enthousiaste, c'est pour nous donner une autre leçon, celle de la vie, de ne jamais s'arrêter de marcher, de toujours poursuivre un but, tout simple ou plus inaccessible, et d'y croire jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'on y parvienne, comme une étape vers autre chose. Le dernier mot du livre parle de lui même:
"Mais ce n'est pas une fin. Juste un nouveau commencement.
Allons."