lundi 30 juin 2008

Eloge de la bougeotte

Daniel Herrero, Partir, Eloge de la bougeotte, Ed. La Table Ronde, 2003.
A ceux qui croient que les sportifs sont tous des tanches, des benêts, des idiots handicapés de la parole, voici un livre qui prouve le contraire. Il s'agit de celui de Daniel Herrero sur lequel je suis tombée par hasard dans une librairie au rayon "récits de voyage". Je connaissais le bonhomme pour ses exploits sur les terrains de rugby dans les années 70, pour son allure de Geronimo du midi avec sa barbe fournie, sa crinière en désordre et son éternel bandeau sur le front, pour son parler franc et imagé. J'ai donc immédiatement acheté son livre, ne serait-ce que pour encore goûter sa prose riche en images savoureuses. Seulement ici le gaillard ne fait pas que nous faire rire. Il se révèle aussi être un amoureux du voyage, éternellement sur le départ, et dévoile un peu de ses émotions cultivées au cours de ses différents périples autour du monde. Des rencontres ou des moments qu'il nous fait partager, il reste à la lecture une leçon de tolérance et de respect pour l'Autre et sa culture, sans jamais sombrer dans le sentimentalisme cependant. Et en le lisant on croirait l'entendre parler, entendre son accent chantant nous conter les merveilles du monde.
Voici deux extraits du livre qui ont particulièrement attiré mon attention et dans lesquels je crois me reconnaître un peu:
"Le voyage a donc porté un coup à mes blocages de gosse. Mais un fait demeure: je n'aime pas qu'un médium me raconte les histoires des autres. Je veux les vivre! Aux films, aux romans, à la télévision, je préfère la vie en direct. Un conteur ou un acteur de théâtre touchera toujours plus mon coeur qu'un personnage de cinéma, à l'abri derrière l'écran. On ne connaît pas le monde parce qu'on le voit à la télévision! On n'est pas bon joueur de football parce qu'on se débrouille bien sur sa Game Boy. En se déconnectant du réel, on va tous devenir schizophrènes! Rêver ne suffit pas. La meilleure façon de comprendre le monde, c 'est de le parcourir. En voyage, je vis le monde en direct, j'en perçois les frémissements, les rayures, les scories, les douceurs. Personne ne m'impose dans un cadre ce que je dois voir ou retenir. Marcher, "pieds nus sur la terre sacrée", est mon seul moyen de ressentir les enjeux de notre monde, car ces expériences, si elles usent plus mes articulations que mes yeux, me conduisent du "voir" au "savoir". N'étant pas spécialiste d'une terre ou d'un sujet, je suis un voyageur horizontal plus que vertical. De nouveautés en habitudes, de surprises en déjà-vu, je découvre de la profondeur dans la transversalité -regarder, comparer, connecter, comprendre. Mes voyages forment progressivement un ensemble cohérent. Je mets des images sur mon atlas imaginaire, et au fil de mes pérégrinations, ma compréhension du monde s'étoffe, et mes convictions s'affirment.
Avant de penser librement, il me faut toujours voir, sentir, éprouver. La plus intellectuelle des démonstrations ne remplace pas une nuit de palabre avec un inconnu, un voyage en train, ou le haussement de sourcil d'un anonyme qui n'a plus chez lui le droit à la parole. La conscience se construit sur le socle de sa propre histoire et de sa culture, mais surtout grâce à la vie des autres, pour peu que l'on y prête attention. On fait alors lentement sa propre moisson de rencontres, d'expériences, de gamberges, pour finalement éprouver une "conscience", ce sentiment intime par lequel on apprécie moralement ses actes et ceux d'autrui. La mienne s'est formée sur les routes, dans les bistrots, près des stades, au coeur des villes. Mon désir de voyage n'est pas politique, mais c'est en voyageant que s'est forgée ma conscience citoyenne."
"Le choix de ses voyages est peut être un bon point de départ pour une séance de psy. Dis-moi ou tu vas, pourquoi tu y vas et je te dirai qui tu es. Mes destinations m'éloignent toujours de l'Occident, vers des pays pas riches, pas blancs, et si possible sur une lattitude Sud. Ce n'est pas une fuite, mais une prise de distance avec ma réalité quotidienne et les excès de nos sociétés industrielles dont les paillettes et le rythme effrené m'agacent de façon chronique.
Voyager dans certains pays où la vie des gens est plus humble, plus simple, correspond pour moi à une quête d'essentiel, un besoin de me recueillir et d'apprendre de ceux qui sont loin de moi. Ma conscience se construit en découvrant ce que les autres cultures ont de différent, ce que j'aimerais parfois avoir chez moi, quitte à l'échanger contre un peu de technologie. J'admets qu'il peut y avoir une équivoque morale à rechercher de la nourriture intellectuelle et spirituelle là où, par la force des choses, des gens démunis n'ont pas le loisir de la sophistication et sont contraints de se concentrer sur les fonctions les plus élémentaires: travailler, manger, dormir. Mais l'essentiel consiste pour moi à rechercher d'autres façons de vivre en société, à m'interroger sur les multiples façons de faire de la politique, au sommet des Etats ou sous l'arbre à palabres.
Le nectar le plus savoureux en voyage, c'est ce jus décanté, mélange de nouveauté, de goûts inconnus, de différences insoupçonnées. La route qui me conduit vers l'Autre m'éloigne de ma civilisation; chez lui, je me sens vraiment à l'extrême opposé de ce que je connais, et bizarrement au plus proche de moi-même. André Breton avait cette phrase superbe: "Je ne le connaissais pas et je suis passé le voir pour me donner des nouvelles de moi-même."

mardi 24 juin 2008

Saint Jean étouffe le Christ



Caricature de Javier dans le journal Opinion d'aujourd'hui qui montre les dégâts causés par les feux de la Saint Jean sur l'air et l'environnement, notamment ici à Cochabamba où se trouve le célèbre Christ de la Concordia qui porte ici un masque à oxigène. En même temps une Saint Jean sans feux... Difficile d'accorder fête populaire et protection de l'environnement...

Un air de déjà vu

Référendum pour l'autonomie, 80% de oui, ça ne vous rappelle rien? Tarija a fait écho à Santa Cruz en organisant un référendum de même nature concernant le statut d'autonomie des départements de la Média Luna. Les résultats sont à peu de choses près les mêmes: plus de 80% de "oui" donc, mais on peut cependant en tirer les mêmes conclusions que pour le précédent. En effet, si on additionne le nombre d'abstentions (c'est-à-dire en fait toutes les personnes ayant jugé cette consultation illégale et manipulée) et le nombre de votes "non", on arrive encore à un chiffre supérieur à 50%, ce qui signifie qu'une fois de plus le statut d'autonomie est refusé par la majorité de la population de la région. Encore un camouflet pour l'opposition qui encore une fois manipule les chiffres tant qu'elle peut pour tenter de déstabiliser le pouvoir en place. D'ici à ce que toutes les régions de la Media Luna pondent leur référendum bidon... Et on en aura fait le tour, la comédie cessera, jusqu'à la prochaine entreprise de décrédibilisation du gouvernement de Evo Morales.
Par ailleurs, le 10 août prochain aura lieu le "Referendo Revocatorio de Mandato Popular" lors duquel la population bolivienne devra approuver ou non l'action du gouvernement, de ses élus et en particulier des préfets. Seulement hier certains préfets de l'opposition ont d'ors et déjà refusé de se prêter à l'exercice, parmi eux, et ce n'est pas une surprise, ceux de la Media Luna ainsi que Manfred Reyes Villa, préfet de Cochabamba. La chose n'est pas étonnante et est en relation directe avec ce qui vient de se passer à Tarija: les préfets de l'opposition craignent pour leur place (on sait d'avance que Manfred a toutes les chances d'être révoqué le 10 août), et n'acceptent les décisions populaires que si elles leur permettent de conforter leur position, même si pour cela ils doivent opérer toutes sortent de manipulations, corruption, mensonge et compagnie.
On est en droit de se demander quand exactement l'opposition acceptera de se plier à un système démocratique en Bolivie et reconnaîtra la défaite.

dimanche 22 juin 2008

A,B,C'est déjà ça

Parfois on ose pas se lancer, on se dit que pour si peu ça ne vaut pas le coup, qu'un grain de sable ne va pas sauver l'humanité; on n'a pas le courage, pas le réflexe, pas l'envie. Et puis certaines personnes poussent un jour une porte et ne la referment jamais, parce qu'elles se rendent compte que leur action, même si elle est minime comparée à l'immensité des problèmes, peut aussi représenter beaucoup pour d'autres. C'est le cas de cette amie (qui se reconnaîtra!) qui m'a parlé ce matin de son travail de bénévole. Elle donne des cours d'alphabétisation en région parisienne, à des femmes en majorité, musulmanes pour la plupart. Au fur et à mesure que les femmes commencent à lire, écrire, et peuvent s'exprimer correctement, un changement irréversible s'opère en elles. D'une situation de recluses dans leurs foyers (pour certaines le mari les enfermait parfois à clé chez elles), elles parviennent à changer la relation de hiérarchie pour enfin avoir leur mot à dire. Car il ne suffit pas de le vouloir, encore faut il avoir les moyens de le faire. Et pour cette bénévole tout commence par le B a ba de l'éducation, la lecture et l'écriture, comme un pas vers l'émancipation et la reconnaissance de leur voix, de la légitimité d'avoir une opinion et de se donner le droit de l'exprimer. Alors au bout d'un certain temps, dit-elle, si les femmes sont toujours voilées extérieurement elles ne le sont plus à l'intérieur, et c'est l'essentiel. Ensuite alors elles peuvent prendre conscience du rôle qu'elles ont à jouer dans l'éducation de leurs propres filles. Parce que selon elle il ne faut pas compter sur les garçons, et encore moins sur les hommes pour changer les choses...
Alors on se dit que pour une femme qui aura fait entendre un jour sa voix, et en général pour une personne qu'on aura aidé, même si par ailleurs pour des dizaines et des centaines on aura rien pu faire, cela vaut la peine de se lever le matin et de faire quelque chose.
Il y a des discours qui rassurent, des conversations sur un coin de table qu'il est bon de rendre publiques, des gens anonymes dont l'action mérite d'être soulignée.

Machaq Mara

Qu'y a-t-il le 21 juin mis à part la fête de la musique? Et bien le Nouvel An. Non je ne dis pas de bêtises, mais figurez vous que la Bolivie se trouve dans l'hémisphère Sud (si si) et que le 21 juin c'est le solstice d'hiver -Inti Watana-, donc le nouvel an. Hier donc c'était le premier jour de l'année aymara 5516 que les boliviens ont célébré comme il se doit en assistant au lever du soleil, Tata Inti, à l'apparition de ses premiers rayons qui donnent la force et l'energie, en particulier sur le site de Tiawanaku où le président Evo Morales était venu pour l'occasion. Le Nouvel An en Bolivie, Machaq Mara en aymara, n'est pas seulement important en ce qu'il représente le début d'une nouvelle année. C'est surtout le premier jour, le point de départ du calendrier agricole qui est encore très présent dans la culture andine et rythme la vie, les fêtes et les rituels des populations de la région. Lors des célébrations du Nouvel An andin on rend par conséquent hommage à la Pachamama par des offrandes, pour la remercier des récoltes de l'année qui vient de se dérouler et solliciter encore sa bienveillance pour celles de l'année qui commence.

vendredi 20 juin 2008

La culture Kallawaya

Ce matin avait donc lieu à la Maison de l'Amérique Latine la conférence sur la culture Kallawaya dont j'avais fait la pub il y a quelques jours. Pour les malheureux qui n'ont pas pu se déplacer je vais tenter de faire un petit compte rendu dans les règles de l'art.
Tout a commencé avec la projection d'un film court qui retraçait l'histoire des Kallawayas, leur localisation géographique (en particulier les images avaient été tournées dans la Province de Bautista Saavedra), et leurs particularités culturelles. Ensuite l'Ambassadrice de Bolivie en France, Luzmila Carpio, a présenté le docteur et Kallawaya Walter Alvarez Quispe qui a pris à son tour la parole. Voici ce que j'ai retenu de ses paroles ce matin:
Une culture ancienne
On estime que l'histoire orale des kallawayas fait remonter cette culture à 15 000 ans, alors que certains chercheurs situent plus précisément son origine entre 800 et 1600 avant JC. Les Kallawayas étaient déjà respectés au temps de Tiawanaku et jouissaient d'un statut privilégié dans l'Empire Inca. En effet, l'Inca les emmenait dans ses expéditions de conquête pour les connaissances qu'ils avaient des autres cultures (de par leur caractère de guérisseurs itinérants), de leurs religions, leurs langues... Les Kallawayas étaient donc prêtres, médecins et conseillers des Incas.
A l'époque de la colonisation espagnole, on reconnut aussi leur science. Mais les Kallawayas furent également accusés de sorcellerie et d'idôlatrie. Ils souffrirent donc de l'Inquisition. Soulignons qu'aujourd'hui nous assistons en Bolivie au développement d'une nouvelle Inquisition en la personne des sectes telles les Israélites ou les Témoins de Jehovah...
Une reconnaissance mondiale
Lors de l'ouverture du canal de Panama, les ouvriers mouraient en masse de malaria et du paludisme et aucun médecin occidental ne parvenait à les soigner. Les seuls qui le purent furent les Kallawayas, en leur administrant des infusions de coca et de quinine dont ils connaissaient les principes actifs.

On voit d'ailleurs sur cette photo de Louis Girault illustrant son ouvrage sur la culture Kallawaya le grand-père et l'arrière grand-père du docteur Walter Alvarez Quispe à Panama, vêtus de ponchos datant de plus de 300 ans. Et le docteur d'ajouter: "celui que je porte qujourd'hui est plus récent, il a à peine plus de 100 ans".
En 1889, lors de l'exposition universelle à Paris, on fit donc venir les Kallawayas pour les remercier de leur aide lors de la construction du canal de Panama.

Un esprit sain dans un corps sain

Ce que veut nous montrer aujourd'hui Walter Alvarez, le message qu'il veut nous faire passer, c'est que toutes les maladies ont à voir avec l'esprit, avec la tête. C'est pourquoi les Kallawayas soignent leurs patients dans leurs communautés, dans leurs maisons, parce que du lieu de vie dépend beaucoup la thérapie à adopter. D'autre part, la cosmovision de chacun est également prise en considération dans les traitements. Les Kallawayas respectent en effet la religiosité de chacun et cherchent à faire retrouver au patient son harmonie avec lui-même, avec le cosmos et les éléments environnants. C'est ainsi que l'on peut parler d'une médecine interculturelle, en relation directe avec la zone d'habitation du patient, sa psychologie et ses croyances.

"L'homme est le fruit de ce qu'il mange"

Selon Walter Alvarez pas de secret, ni magie noire, ni guérisons miraculeuses, tout réside dans la prévention, et la prévention selon lui passe tout d'abord par l'alimentation. Il s'agit donc de manger naturel, varié, équilibré, des aliments locaux et de saison. Les cliniques de nutrition d'aujourd'hui ne sont qu'un écho tardif à ce que prônent les médecins Kallawayas depuis des siècles. Etant donné que les plantes sont aussi un aliment elles doivent également faire partie de notre régime quotidien, non seulement comme médecine mais surtout comme prévention. Les éléments clés de notres santé sont donc: l'alimentation, les plantes, l'eau et les autres éléments naturels (on a par exemple évoqué l'argile, la boue et leurs vertus curatives)

Les ennemis de l'homme ont aussi été classés. Dans l'ordre, le premier ennemi serait l'homme lui-même en ce qu'il ne sait pas prendre soin de lui. Le deuxième ennemi serait l'alcool, le troisième les armes et enfin la drogue. Notons que les conserves selon le Docteur Alvarez peuvent aussi être des ennemis puisqu'elles ne contiennent que des aliments "morts".

La thérapie par la musique

Pour les Kallawayas la musique est une science, ce n'est pas du folklore. La musique et la danse permettent de retrouver l'harmonie cérébrale. Par ailleurs, lorsque le corps danse tous les organes sont stimulés et s'opère une sorte de massage interne. La fréquence respiratoire et cardiaque augmente, ce qui est un outil pour prévenir les infarctus et les douleurs des articulations.

Pour conclure

Nous pouvons donc résumer en affirmant que la médecine Kallawaya, loin d'être de la sorcellerie, est une méthode fondamentalement proche de l'être humain, de sa psychologie, sa religiosité et sa culture, et qui cherche à lui rendre l'harmonie avec lui-même, la nature et le cosmos. Chacun peut donc suivre au quotidien les préceptes Kallawayas et commencer par prendre soin de lui, ceci serait la première leçon.
Au delà de cette dimension médicale, nous pouvons dire que la culture et les savoirs Kallawayas, s'ils commencent à être reconnus au niveau mondial, sont aujourd'hui confrontés à d'autres dangers, ceux du non respect de la propriété intellectuel et de la "bio piraterie", les laboratoires s'emparant en effet de leurs connaissances de la bio diversité pour leur propre profit.
Rien n'est donc gagné et le mieux que nous pouvons faire c'est de nous informer pour à notre tour informer les autres sur cette culture Kallawaya si riche de savoirs précieux pour l'Humanité.

A droite, l'Ambassadrice Luzmila Carpio - Au centre, le Docteur et Kallawaya Walter Alvarez Quispe

(Photo:Agnès,une lectrice fidèle, merci!)

Au sujet de la "directive retour"

Je transcris ici une intervention du Président Evo Morales en réaction au projet de loi européen visant l'accélération des reconduites à la frontière des populations immigrées:
"Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'Europe était un continent d'émigrants. Des dizaines de millions d'européens partirent aux Amériques pour coloniser, échapper aux famines, aux crises financières, aux guerres ou aux totalitarismes européens et à la persécution des minorités ethniques.
Aujourd'hui, je suis avec préoccupation le processus de la dite "directive retour". Ce texte, validé le 5 juin passé par les ministres de l'intérieur des 27 pays de l'Union Européenne, doit être approuvé le 18 juin par le Parlement Européen. Je perçois qu'il durcit de manière drastique les conditions de détention et d'expulsion des migrants sans papiers, quelque ait été leur temps de séjour dans les pays européenns, leur situtation de travail, leurs liens familiaux, leur volonté et le succès de leur intégration.
Les Européens sont arrivés dans les pays d'Amérique Latine et d'Amérique du Nord, en masse, sans visa ni conditions imposées par les autorités. Ils furent toujours les bienvenus, et le demeurent, dans nos pays du continent américain, qui absorbèrent alors la misère économique européenne et ses crises politiques. Ils vinrent sur notre continent en exploiter les richesses et les transférer en Europe, avec un coût très élevé pour les peuples premiers de l'Amérique. Comme par exemple dans le cas de notre Cerro Rico de Potosi et de ses fabuleuses mines qui donnèrent sa masse monétaire au continent européen entre le XVI ème et le XIX ème siècle. Les personnes, les biens, les droits des migrants européens furent toujours respectés.
Aujourd'hui, l'Union Européenne est la principale destination des migrants du monde, conséquence de son image positive d'espace de prospérité et de libertés publiques. L'immense majorité des migrants vient dans l'UE pour contribuer à cette prospérité, non pour en profiter. Ils occupent les emplois de travaux publics, dans la construction, les services aux personnes et dans les hôpitaux, que ne peuvent ou ne veulent occuper les Européens. Ils contribuent au dynamisme démographique du continent européen, à maintenir la relation entre actifs et inactifs qui rend possible ces généreux systèmes de solidarité sociale et dynamisent le marché interne et la cohésion sociale. Les migrants offrent une solution aux problèmes démographiques et financiers de l'UE.
Pour nous, nos émigrants représentent l'aide au développement que les Européens ne nous donnent pas -vu que peu de pays atteignent réellement l'objectif minimum de 0,7% du PIB d'aide au développement. L'Amérique Latine a reçu, en 2006, 68 milliards de dollars de transferts financiers de ses émigrés, soit plus que le total des investissements étrangers dans nos pays. Au niveau mondial, ces transferts atteignent 300 milliards de dollars, qui dépassent les 104 milliards octroyés au nom de l'aide au développement. Mon propre pays, la Bolivie, a reçu plus de 10% de son PIB en transferts de fonds des migrants (1,1 milliards de dollars), soit un tiers de nos exportations annuelles de gaz naturel.
Il apparait que les flux de migration sont bénéfiques pour les Européens et, de manière marginale, aussi pour nous pays du Tiers Monde, vu que nous perdons des milliers de personnes de main d'oeuvre qualifiée en laquelle, d'une manière ou d'une autre, nos Etats, bien que pauvres, ont investi des ressources humaines et financières.
Il est regrettable que le projet de "directive retour" complique terriblement cette réalité. Si nous concevons que chaque état ou groupe d'états puisse définir ses politiques migratoires en toute souveraineté, nous ne pouvons accepter que les droits fondamentaux des personnes soient déniés à nos compatriotes et à nos frères latinoaméricains. La directive retour prévoit la possibilité d'un enfermement des migrants sans papiers jusqu'à 18 mois avant leur expulsion -ou "éloignement" selon le terme de la directive. 18 mois! Sans procès ni justice! Tel qu'il est le projet de directive viole clairement les articles 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Et en particulier l'article 13 qui énonce:
"1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays."
Et, pire que tout, il existe la possibilité d'emprisonner des mères de familles et des mineurs, sans prendre en compte leur situation familiale ou scolaire, dans ces centres de rétention où nous savons que surviennent des dépressions, des grèves de la faim, des suicides. Comment pouvons nous accepter sans réagir que soient concentrés dans ces camps nos compatriotes et frères latinoaméricains sans papiers, dont l'immense majorité travaille et s'intègre depuis des années? De quel côté est aujourd'hui le droit d'ingérence humanitaire? Où est la "liberté de circuler", la protection contre les emprisonnements arbitraires?
Parallèlement, l'UE tente de convaincre la Communauté Andine des Nations (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou) de signer un "Accord d'association" qui inclut en son troisième point un traité de libre échange, de même nature et contenu que ceux qu'imposent les Etats Unis. Nous subissons une intense pression de la Commission Européenne pour accepter des conditions de profonde libéralisation pour le commerce, les services financiers, la propriété intellectuelle ou nos services publics. De plus, au nom de la "protection juridique", on nous reproche notre processus de nationalisations de l'eau, du gaz et des télécommunications réalisées le Jour du Travail. Je demande, dans ce cas: où est la "sécurité juridique" pour nos femmes, adolescents, enfants et travailleurs qui recherchent un horizon meilleur en Europe?
Promouvoir d'un côté la liberté de circulation des marchandises et des flux financiers, alors qu'en face nous voyons des emprisonnements sans jugement pour nos frères qui ont essayé de circuler librement... Ceci est nier les fondements de la liberté et des droits démocratiques.
Dans ces conditions, si cette "directive retour" devait être approuvée, nous serions dans l'impossibilité éthique d'approfondir les négociations avec l'UE et nous nous réservons le droit d'imposer aux citoyens européens les mêmes obligations de visa qui nous ont été imposées le 1er avril 2007, selon le principe diplomatique de réciprocité. Nous ne l'avions pas exercé jusqu'à maintenant, attendant justement des signaux positifs de l'UE.
Les monde, ses continents, ses océans, ses pôles, connaissent d'importantes difficultés globales: le réchauffement, la pollution, la disparition lente mais sure des ressources énergétiques et de la biodiversité alors qu'augmentent la faim et la misère dans tous les pays, fragilisant nos sociétés. Faire des migrants, qu'ils soient sans papiers ou non, les boucs émissaires de ces problèmes globaux, n'est en rien une solution. Cela ne correspond à aucune réalité. Les problèmes de cohésion sociale dont souffre l'Europe ne sont pas la faute des migrants, sinon le résultat du modèle de développement imposé par le Nord, qui détruit la planète et démembre les sociétés des hommes.
Au nom du peuple de Bolivie, de tous mes frères du continent et des régions de monde comme le Maghreb et les pays d'Afrique, je fais appel à la conscience des dirigeants et députés européens, des peuples, citoyens et militants d'Europe, pour que ne soit pas approuvé le texte de la "directive retour". Telle que nous la connaisson aujourd'hui, c'est une directive de la honte. J'appelle aussi l'UE à élaborer, dans les prochains mois, une politique migratoire respectueuse des droits de l'Homme, qui permette le maintien de cette dynamique profitable pour les deux continents, qui répare une fois pour toutes l'énorme dette historique, économique et écologique que les pays d'Europe ont envers une grande partie du Tiers Monde, et qui ferme définitivement les veines toujours ouvertes de l'Amérique Latine. Vous ne pouvez pas faillir aujourd'hui dans vos "politiques d'intégration" comme vous avez échoué avec votre supposée "mission civilisatrice" du temps des colonies.
Recevez tous, autorités, eurodéputés, camarades, un fraternel salut depuis la Bolivie. Et en particulier notre solidarité envers tous les "clandestins"."
Evo Morales Ayma, Président de la République de Bolivie.

lundi 16 juin 2008

Rendez-vous culturel

L'Ambassade de Bolivie en France
présente


Les guérisseurs itinérants au temps de la mondialisation


KALLAWAYAS


Déclarés par l'UNESCO Chef d'Oeuvre du Patrimoine Oral et Immatériel de l'Humanité
Conférence du docteur et kallawaya Walter Alvarez Quispe,
Président de l'Institut Bolivien de Médecine Traditionnelle Kallawaya
Vendredi 20 juin 2008/ 10h30
MAISON DE L'AMERIQUE LATINE
217 Boulevard Saint Germain
Participation : 10 euros
Etudiants : 5 euros
Informations et réservations 01 42 24 93 44

dimanche 15 juin 2008

Du vertige en montagne

Je vous transmets un mail que j'ai reçu cette semaine:

"Je vous invite sur ce site...C'est un sentier à flanc de falaise dans le Parc Naturel de "Los Ardales" près de Malaga dans le sud de l'Espagne. Ce "caminito del rey", réalisé en 1901 pour les besoins de la construction d'un barrage fait à peine 1m de large et surplombe le videde plusieurs centaines de mètres par endroit. Ce camino est tombé dans l'oubli depuis ce temps et tombe en lambeaux. Il est cependant devenu le lieu des adeptes du vertige, mais à leurs risques et périls. 4 intrépides y ont laissé leur vie en 1999/2000. La video qui vous est offerte, prise par un équilibriste professionnel, agrémentée d'une musique adéquate, nécessite de bien s'accrocher à son siège pour que vous puissiez en... revenir et qui sait en faire un jour la promenade.
A regarder en version "écran total" et accrochez-vous!"
Comme ça demain matin vous ne partirez pas au boulot comme tous les lundis, de mauvaise humeur, mais vous direz au contraire que finalement votre petite vie est plutôt paisible, trop facile en fait!

samedi 14 juin 2008

Pendant que j'y pense

Tant qu'on y est, je viens de vous parler du secours en montagne et du PGHM, je vais vous aider à préparer votre sac de rando! L'été approche, les crampons vous démangent -je parle aussi pour moi mais ils seront cette année en repos forcé, c'est la vie-, mais il ne faut pas en oublier pour autant la moitié de l'essentiel. Ne me dites pas que vous aussi vous partez encore sur les sentiers de moyenne montagne en modestes baskets, ou pire en sandales, sans pull et sans eau? Allez, je le reconnais, le coup des baskets ont l'a tous fait, mais c'était dans les années 80, on était peut être moins informés que maintenant sur les dangers potentiels de la montagne. Alors pour les éviter et ne profiter que des bons côtés, voici une petite liste, non exhaustive et sûrement pas parfaite -je le précise, pour les grincheux éventuels-:
A se mettre sur le dos:
-un pantalon et un pull car il peut faire froid en altitude (si si)
-un short et un t-shirt de rechange, voir même une serviette à cause de la transpiration (c'est humain)
-un couvre chef, essentiel pour éviter les insolations
-une cape pour la pluie (et ne dites pas "aucun risque, ce matin il fait beau": en montagne le temps change à la vitesse de l'éclair -elle est bien bonne celle là!-)
-des lunettes de soleil: même si le bronzage raton laveur ne vous convient pas, tant pis, il faut!
A se mettre sur le corps:
-de la crème solaire, des litres de crème solaire: plus on se rapproche du soleil, plus ça chauffe. Et les coups de soleil derrière les mollets je vous déconseille fortement, ce n'est pas agréable du tout du tout.
-l'attirail pharmaceutique de base, de quoi tenir pour les petits bobos: pansements, gaze et sparadrap, bandes pour les entorses et pommade, désinfectant (pour les plaies et pour les piqûres de taon si vous allez dans les alpages, sauf si vous avez de la chance et que les petites bêtes ne sont pas fans de votre aimable chair), la paire de ciseaux évidemment, du paracétamol (un mal de tête est vite arrivé...)... heu, c'est deja pas mal non? vous pensez à autre chose??
A se mettre dans l'estomac:
-de l'eau, de l'eau et encore de l'eau, mélangée avec du jus de fruits pour le sucre, parce que l'eau toute seule au bout d'un moment on s'en lasse. Pour le tonneau de St Bernard avec la gnôle vous prenez vos responsabilités, je ne vous ai rien dit
-le casse croute mais surtout des fruits et des fruits secs, du chocolat, des gâteaux secs... je ne suis pas fan des barres de céréales énergétiques vous l'aurez compris (ben oui, on faisait comment avant?). Un conseil, ne mangez pas les petits gâteaux en redescendant ça peut être dangereux, pas pour vous mais pour eux. Croyez en mon expérience, je sais de quoi je parle pour avoir dévalé une pente en plat ventre, un petit Lu dans chaque main. Figurez vous que je les ai sauvés de justesse, préférant déchirer mes avant bras plutôt que de casser mes gâteaux. Alors ménagez votre goûter, prenez le en bas.
Autres détails:
-éviter les bâtons de skis si vous faites peu de dénivellée, vous aurez l'air ridicules et dans les sentiers étroits vous gênerez tout le monde, c'est pénible les croche pieds, surtout en montant, ça vous coupe votre élan (ça sent le vécu)
-n'oubliez pas les jumelles et l'appareil photo, ça peut servir. Un conseil, si vous êtes dans un coin à marmottes laissez l'appareil à portée de main, le temps que vous le sortiez du sac à dos c'est perdu d'avance!
Voilà pour ces quelques recommandations qui j'espère vous seront utiles. Et surtout avant de partir, consultez la météo des guides, parce que ce n'est pas TF1 qui vous avertira d'un orage possible sur les Aravis ou bien sur l'altitude de l'isotherme 0!!

Les Marmottes, au dessus de Saint Nicolas de Véroce

(Photo:emi)

Bon anniversaire!

Bon anniversaire au PGHM, le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne qui fête cette année ses 50 ans. Des festivités ont eu lieu aujourd'hui à Chamonix où on a vu des pilotes d'helico en exercice faisant montre de tout leur talent et leur précision. Mais le PGHM ce ne sont pas que des gendarmes et des hélicoptères, ce sont surtout des hommes hors normes, passionnés par la montagne et remplissant leur mission de sauvetage à n'importe quel prix, juste par dévouement, parce qu'ils ne conçoivent pas leur vie autrement qu'en venant en aides aux autres. Je vous renvoie au commentaire d'un livre que j'avais fait il y a quelques temps, celui de Anne Sauvy, Secours en Montagne, qui racontait de manière très juste une saison de secours avec les hommes du PGHM de Chamonix. Hommage à ces gens là, parce qu'ils nous prouvent au quotidien que la solidarité et la fraternité existent encore. Lorsque vous partirez cet été sur les sentiers de randonnée -bande de veinards- ayez une petite pensée pour ceux qui volent au dessus de vos têtes sur les glaciers ou ailleurs, ceux qui un jour peut être viendront à votre secours...
Vue sur le Mont Blanc un matin de juillet (Sallanches)
(Photo:emi)

lundi 9 juin 2008

Victoire terminus

Je sais c'est l'Euro de foot mais c'est de boxe dont je vais vous parler aujourd'hui. Hier sur France Ô passait un super documentaire du style que j'adore: sans commentaires, juste les images et les gens qui vivent. Ce reportage s'intitule "Victoire terminus" et on y voit évoluer sur les rings et dans leur quotidien des femmes boxeuses à Kinshasa. Et ce n'est pas tant le côté sportif qui est intéressant, mais plutôt le milieu dans lequel ces femmes évoluent. Pour la plupart elles ont choisi de se mettre à la boxe dans l'espoir de gagner un peu d'argent pour vivre, "c'était ça ou faire le trottoir", dit l'une d'entre elles. Et pour cela elles s'entrainent dur, encaissent les coups, même si au final les gains sont dérisoires, détournés par leur propre entraineur qui on le voit est assez corrompu et profite des filles pour s'enrichir. Mais la violence n'est pas que sur le ring, et la vie des boxeuses de Kinshasa est à elle seule un combat de chaque minute: conjoints violents, ne travaillant pas et comptant sur les revenus de leur femme -"c'est la mentalité africaine", diront certaines, pauvreté extrême, enfants à élever et parfois à enterrer trop jeunes. Plus largement c'est le pays qui nous est présenté, le Congo de 2006, à feu et à sang au moment des élections où les mensonges sont le langage commun, les promesses que les candidats ne tiendront jamais, l'incitation à la haine et la corruption galopante. Et partout les enfants dans la rue, jouant avec les armes laissées après les manifestations ou récupérées sur les cadavres. Et au milieu de ce chaos sans nom, les boxeuses qui sur le ring jouent la victoire et aussi beaucoup de leur vie, se battent contre leurs adversaires, contre la fatalité de leur destin et contre les préjugés. La boxe comme un dernier recours, pour ne pas sombrer, parce qu'au milieu de la guerre et de la violence elles veulent vivre. Admirable documentaire.

mercredi 4 juin 2008

Le monde maya

Je suis en train de lire un livre très intéressant sur les Mayas d'aujourd'hui, écrit par Rachel et Jean Pierre Cartier et intitulé Les enfants du cosmos (1999) Les auteurs mènent l'enquête sur ce qu'il reste de cette civilisation passée dans les rituels, les traditions et la culture des habitants du Guatemala et du sud du Mexique modernes et tentent de prouver que la culture des Mayas est toujours en vie. La tâche n'est pas très difficile étant donné qu'il existe encore de nombreuses manifestations culturelles de cette grande civilisation dans la plupart des villages où ils se rendent, et qu'on assiste même -à l'époque de la rédaction du livre- à une redécouverte et une réaffirmation de l'identité maya.

Je citerai quelques passages non dénués d'intérêt, et tout d'abord ces paroles d'un chaman maya du Guatemala à propos de la nature et de la manière dont le monde moderne s'éloigne de toute relation avec celle-ci et connaît par conséquent de nombreux maux:

"Aujourd'hui dans votre monde occidental, il y a beaucoup de malades parce que votre société elle-même est malade. Malade de pollution, de stress, d'énervement, de violence... Tout cela apporte la maladie. Les arbres sont les protecteurs naturels de l'homme et vous les coupez sans merci. Le vent est un grand purificateur, le soleil aussi et vous vous isolez dans vos appartements bien clos. On me demande souvent ce qu'il faut faire pour retrouver le bonheur et je réponds: "Revenez à la nature! et, si vous êtes malade, soignez vous par les plantes. N'oubliez jamais que tout ce que vous mangez, que les remèdes que vous prenez ne vous feront du bien que si votre corps en a la mémoire. Or votre corps n'a pas la mémoire de la plupart des produits chimiques qui entrent dans la composition des médicaments dits modernes. Il n'a pas non plus la mémoire des produits chimiques qui sont déversés dans la terre. Par contre, votre corps se souvient des plantes et pourquoi elles lui font du bien." Je ne dis pas qu'il ne faut jamais avoir recours à la médecine occidentale, je ne dis pas non plus qu'il faut systématiquement refuser l'hôpital dans les cas extrêmes. Je dis que, si nous voulons être heureux et en bonne santé, nous devons, avant tout et autant que possible, faire appel à la Nature et protéger notre Terre Mère."

Des paroles sages et mesurées qui devraient faire réfléchir les extrémistes de la non médecine qui pensent que tout se soigne par les plantes. Le message ici est bien clair, il s'agit de notre bonheur, pas d'un remède miracle.

Un autre extrait m'a frappée par le thème qu'il traite étant donné que je n'en avais jamais entendu parler et que le sujet divise la communauté scientifique par ses hypothèses plutôt polémiques. La théorie affirme que les Mayas seraient originaires du Proche Orient, région avec laquelle ils partagent de nombreuses similitudes culturelles. Une origine carthaginoise est plus précisément évoquée dans le livre, et on réaffirme la possibilité que des hommes aient pu traverser l'Atlantique bien avant les espagnols:

"Barry Fell, professeur à Harvard, (...) prouve abondamment que l'Amérique a été visitée par des Européenns ou des Africains dès 5000 avant JC. Il cite des faits troublants: des amphores romaines découvertes au Brésil dans la baie de Guanabara, des pièces de monnaie romaines découvertes dans le Massachusetts, des amphores carthaginoises sur les côtes du Honduras, des caractères puniques en plusieurs lieux des Etats Unis, notamment sur des tombes, des cairns datant de l'âge de bronze, des textes celtiques... D'autres découvertes ont été faites depuis, en particulier des briques trouvées dans la cité maya de Comalco, sur la mer des Caraïbes et sur lesquelles ont été gravées des inscriptions dont l'une signifiait "Jésus protège".

Il y a au moins de quoi être troublé mais la communauté scientifique reste de marbre comme elle est restée de marbre lorsqu'on a découvert des stèles vikings dans le nord est des Etats Unis. Comme s'il ne fallait pas toucher au dogme selon lequel Christophe Colomb a été le premier et l'unique découvreur de l'Amérique. Pourquoi ne pas admettre qu'il aurait pu y avoir bien avant au moins un embryon de relations commerciales entres les deux mondes? Pourquoi refuser d'étudier cette possibilité, alors qu'une faible femme a entrepris de traverser à la rame sur une coque de noix cet océan qu'on considère encore comme infranchissable avant l'arrivée des caravelles."

Je ne suis pas spécialiste pour dire quel crédit il faut attribuer à cette hypothèse, mais ce qui est sûr c'est que l'accepter serait encore insister sur le caractère inhumain de la conquête espagnole en Amérique alors qu'avant eux d'autres auraient réussi à établir des relations commerciales pacifiques avec les peuples indigènes, sans avoir recours ni à l'esclavage ni à l'évangélisation forcée. Et évidemment cela ne serait pas politiquement correct. Il faut dire par ailleurs que dans le monde universitaire les théories un peu trop novatrices et qui sortent des carcans ordinaires ou bien contredisent -même si c'est preuve à l'appui- les thèses de chercheurs reconnus et respectés, sont immédiatement taxées de ridicules, d'hérétiques ou de farfelues, prouvant ainsi le côté archaïque des recherches universitaires en France ou le politiquement correct règne en maître. Mais ça c'est une autre histoire...

mardi 3 juin 2008

Bienvenue chez les démagos

Vous allez dire que je crache dans la soupe, que les profs se plaignent tout le temps mais tant pis je me lance, il faut que je raconte cette matinée où j'ai poussé mon coup de gueule. Depuis cette année, à l'examen du Brevet en fin de 3ème, on valide le niveau des élèves -en plus de l'histoire Géographie, du français et des maths- dans une de leurs deux langues vivantes -en général c'est en anglais-. C'est nouveau ça vient de sortir. En fait on doit juger si ils ont le niveau "A2", ce niveau correspondant à une classification établie par le Cadre Européen Commun des Langues et qui se base pour l'évaluation sur des compétences très précises: compréhension et expression écrite, compréhension et expression orale. Le Cadre Commun précise donc quel niveau précis doit avoir atteint un élève à la fin du collège. Dans un des deux collèges où je travaille, les profs de langues ont donc organisé un mini examen, une partie orale et une partie écrite pour pouvoir juger si le niveau A2 était acquis ou non. Dans l'autre collège, rien. Or ce matin j'ai assisté à deux conseils de classe de 3ème dans le deuxième établissement, et j'ai poussé mon coup de gueule quand je me suis rendu compte que, étant donné qu'aucun examen n'était venu déterminer le niveau et les compétences des élèves en langues, le niveau A2 était jugé acquis et non acquis totalement à la louche. Et surtout, pour aggraver la situation, qu'on leur "donnait" littéralement le niveau A2 pour ne pas les empêcher d'avoir le Brevet, pour ne pas les pénaliser en somme (je précise que si le niveau de langues n'est pas acquis, l'élève n'est pas reçu à l'examen). Ce qui a donné des choses du genre:
"-Principale: Niveau A2 de Untel?
-Prof d'Anglais: est-ce qu'il a une chance d'avoir le Brevet?
-Principale: oui, il ne lui manque que X points.
-Prof d'Anglais: ok, oui, oui, acquis.
-Remarque de ma part: Mais il n'a que 2 de moyenne en anglais!
-Principale: Oui mais il peut avoir son Brevet alors..."
Logique implacable...
Je récidive donc et affirme que dans d'autres collèges ont a organisé un examen et que si le niveau A2 n'est pas acquis, il ne l'est pas un point c'est tout, on ne se soucie pas du Brevet.
Réponse de la Principale, un peu piquée au vif:
"Mais ce n'est pas le but! Il ne faut pas les pénaliser, les autres font ce qu'ils veulent mais ici on ne fait pas comme ça! Et puis la réforme est encore floue, on vous demande d'évaluer sur des critères que vous ne connaissez pas ou n'utilisez pas"
Je précise que le Cadre Commun des Langues est déjà la base des programmes depuis quelques années et que nous sommes déjà censés évaluer les élèves par compétences, comme je le disais plus haut. Rajouter une langue au Brevet, très bien, mais si l'évaluation ne sert à rien et qu'on donne le niveau à tout les élèves, ça n'a aucun intérêt, c'est de la démagogie pure et simple!!
He dicho!

lundi 2 juin 2008

La longue marche

Bernard Ollivier, Longue marche, 2001.
Ceux qui se sont arrêtés sur la citation présente dans mon profil du blog connaissent déjà un peu cet auteur. Bernard Ollivier, journaliste à la retraite, décide de partir à pied sur les routes du monde. Dès le sous titre, la couleur est annoncée: "A pied de la Méditerrannée jusqu'en Chine par la route de la Soie". Le pari est audacieux pour cet homme de soixante-et-un ans qui part seul, sans assistance, simplement accompagné de son lourd sac à dos, de son courage, de sa soif de rencontres qui inclut aussi un long processus de rencontre avec soi-même. Notre baroudeur des grands espaces se propose de parcourir à pied la distance qui sépare Istambul de Xi'an en Chine, et ce en plusieurs étapes, à raison d'environ deux mois de marche par an. Suivant dans la première partie -intitulée "Traverser l'Anatolie"- la route mythique des caravansérails, Bernard Ollivier rencontre les gens, leurs coutumes, l'hospitalité qui n'est pas qu'une légende mais aussi le danger. Il doit affronter la peur, l'incompréhension qui peut également dans certains cas amener à des situations cocasses, et surtout ses propres doutes face à la difficulté du parcours entrepris. Arrêté avant Téhéran, son but de la première année, par une dyssentrie sévère qui lui fait perdre 10 kilos et l'empêche de continuer sa route, Bernard Ollivier analyse cependant son début de parcours avec beaucoup de philosophie, tout en pensant déjà à repartir:
"Dans la chambre 407 de l'hôpital de Vatan, je philosophe, je refais mon voyage, je prépare le suivant et je dessine, sur mon cahier d'écolier, le chemin qui m'attend. En partant, j'ai voulu pénétrer le monde. Mais le monde se laisse-t-il pénétrer? Au bout du chemin, trouverai-je la sagesse, ou bien attendrai-je en vain qu'elle vienne avant que la mort me saisisse? Homme actif par inclination et par nécessité, il me faut chercher, sur ce chemin de la lenteur que je me suis tracé, le silence, le recueillement, la quiétude de l'âme. Ils ne viendront pas d'un coup, bien sûr. Ils ne sont pas cachés à l'ombre des murailles de Xi'an, attendant mon arrivée pour se révéler. C'est sur le chemin, sur les sentiers et les routes, dans les villes, au fil des rencontres et des millions de pas que je veux encore tricoter, qu'ils viendront m'aider à poser paisiblement la dernière pierre du mur de ma vie."