lundi 31 mars 2008

Tout fout le camp

Que n'apprends-je pas avec une considérable surprise? Les membres de L'Arche de Zoé graciés et libérés? J'en suis toute ébaubie! Ben oui, il fallait bien s'en douter, la France a dégainé les euros et déployé son armée pour sauver le régime Tchadien et par la même occasion les membres de l'Arche de Zoé. Mais qui va payer le dédommagement promis aux familles des enfants kidnappés dans le cadre du préjudice moral souffert? Qui va leur expliquer que leurs rejetons ont été enlevés par des gens qui sont aujourd'hui en liberté? C'est donc que du point de vue de la France, terre des Droits de l'Homme, les petits noirs n'ont toujours pas la même importance que les autres? Bon, si on considère que ce sont aussi des entreprises françaises qui fournissent le matériel nécessaire aux chinois pour surveiller les Tibétains, tout s'explique...

jeudi 27 mars 2008

Luis Espinal, Dieu et la liberté


Il y a 28 ans mourait assassiné le père Jésuite Luis Espinal, figure emblématique de la théologie de la Libération en Bolivie. Ce prêtre espagnol (catalan) était arrivé en Bolivie en 1968 et avait fondé en 1976, en plaine dictature de Hugo Banzer, l'Assamblée Permanente des Droits de l'Homme. C'est également lui qui, avec cinq femmes de mineurs dont Domitila de Chungara (dont je vous ai déjà parlé), fut à l'origine de la grève de la faim de décembre 1977, qui prit une ampleur telle qu'elle parvint à faire tomber la Dictature. Durant toute sa vie, tout en diffusant la parole du Christ, "Lucho" s'est entêté à dénoncer les crimes des différentes dictatures boliviennes, les injustices dont souffrait ce peuple qui était devenu le sien, et c'est jusqu'au bout qu'il a vécu et agi dans l'esprit de ce qu'on a appelé en Amérique Latine la Théologie de la Libération -dont je vous parlerai peut-être un jour plus longuement, cette partie de l'Eglise qui ne s'est pas montrée solidaire des dictatures mais plutôt du côté du peuple. Jusqu'à ce que le 22 mars 1980 la dictature de Garcia Meza le prenne, le séquestre, le torture et que les paramilitaires abandonnent son corps dans un faubourg de La Paz. Quatorze balles sur la poitrine dont les impacts dessinèrent une croix, dernière ironie de la sauvagerie fasciste envers ce simple curé qui leur faisait de l'ombre. En Bolivie personne ne l'oublie, avec le même slogan qu'il y a 20 ans: "Lucho vive, la lucha sigue"...

Ca c'est du sport!


Et dire que certains sports n'iront jamais aux JO... quel dommage!

mardi 25 mars 2008

Le Tibet d'avant

Alexandra David-Neel, Magie d'amour et magie noire, 1938.
Je vous avais déjà parlé dans un précédent article de l'excellente biographie d'Alexandra David-Neel écrite par Jean Chalon. Je suis allée un peu plus loin et j'ai suivi des conseils avisés d'une "alexandrophile-tibétanophile" (c'est d'actualité mais pas du tout prémédité) en me plongeant dans l'une de ses oeuvres. Il s'agit ici d'un récit autobiographique recueilli au Tibet mais dont Alexandra a voulu faire un roman afin d'y apporter les descriptions et précisions nécessaires à la bonne compréhension du contexte de la part du lecteur. Le livre commence ainsi, par un prologue dans lequel Alexandra introduit la situation dans laquelle cette histoire lui a été contée:
"Un soir (...) le bruit sourd du galop d'un cheval nous arriva des prairies. (...) Quelques instants plus tard, devant nous, un homme se jetait à bas d'une bête essoufflée que la transpiration entourait de vapeur et aidait à mettre pied à terre une jeune fille qui avait chevauché en croupe.
-Il me faudrait deux chevaux robustes et rapides, dit-il précipitemment à notre hôte.
(...)
-On nous poursuit. Il faut que demain matin nous ayons atteint, loin d'ici, un campement où j'ai des amis.(...) Je l'enlève... Elle consent...
(...)
-Voilà, dit simplement le chef. Ce sont de vaillantes bêtes, vous pourrez marcher grand train pendant toute la nuit.
(...)
Quel motif avait pu inciter le propriétaire des chevaux à en offrir un, gratuitement, à des inconnus? (...) Qu'avait vécu cet homme distant et froid? Un roman d'amour? ... un drame? qui expliquait sa manifestation soudaine de sympathie pour le couple en péril."
Et c'est toute cette histoire d'amour dramatique que raconte le récit qui suit, entre paysages aux horizons infinis et esprits des montagnes, espaces immenses peuplés de moines et de brigands. Une magnifique histoire qui nous interpelle tant par sa magie, la tension qui s'en dégage et sa violence parfois, que par sa modernité de conte philosophique sur la vie, la mort et le sens de tout ce qui nous entoure, nous guide et se joue de nous aussi parfois.
Cette histoire est d'autant plus captivante que l'on doit se souvenir au fil des pages de l'avertissement que nous fait Alexandra dans l'Avant Propos:
"Cependant, tout au long des pages suivantes, le lecteur est prié de se rappeler que ce roman a été vécu."
Une intrigante parenthèse dans un monde inconnu, avant que la grande tempête ne se déchaîne sur les steppes du Tibet...

dimanche 23 mars 2008

Cadeau du dimanche

Comme parfois le dimanche je traine sur les blogs (bon, d'accord, pas que le dimanche...) et comme parfois le dimanche je vous offre un petit cadeau. Cette fois il s'agit d'un lien vers le blog d'une voyageuse devant l'éternel qui s'est proposée de pondre une photo par jour pendant un an. L'idée semblerait un peu farfelue si ses photos n'étaient pas tout simplement ma-gni-fiques. En lien donc un article de ce blog où on peut admirer des photos du festival Pujllay de Tarabuco. Il ne manque plus que la musique et on y est...


En voici une pour vous mettre l'eau à la bouche:

(photo: vanillabricot-canalblog)

samedi 22 mars 2008

Découverte du samedi

J'avais aujourd'hui dans la tête -mis à part un bon vieux marteau piqueur- une mélodie, celle d'une chanson cubaine. Pour m'en "débarrasser", il fallait que je retrouve les paroles pour pouvoir la chanter vraiment. Je suis donc allée sur you tube pour la réécouter. Et j'ai trouvé un bijou, une perle de poésie: la fameuse chanson que je cherchais "Mariposita de primavera" de Miguel Matamoros, interprétée par Liuba Maria Hevia:

http://fr.youtube.com/watch?v=cRruK5JU9nk

(désolée je ne sais toujours pas comment on fait pour mettre un lecteur exportable sur le blog...)
Comme j'ai été totalement séduite par la voix de cette chanteuse, j'en ai cherché un peu plus sur elle, et j'ai découvert qu'elle est en fait l'une des figures de la Nueva Trova, une Silvio Rodriguez au féminin en quelque sorte: textes recherchés et poétiques, mélodies ciselées.
Je suis ensuite retournée sur You Tube pour la réécouter encore et encore, et en particulier sa version de la chanson "Yolanda" de Pablo Milanes qui pour le coup, et c'est rare, m'a laissée sans voix:

http://fr.youtube.com/watch?v=Mm4PBfmOqAE

vendredi 21 mars 2008

C'est le mien!

Il y a des gens qui me connaissent très bien! Voici la couverture du livre que j'ai reçu pour mon anniversaire (18 ans déjà!...) :

Bon normalement la couverture est dorée et tout mais dedans il y a ça:

Il y a aussi ça:


(céramique mochica)

Et puis ça:

(parure Chimu en or)

C'est beau n'est-ce pas? Oui? Et bien c'est le mien!! (a consulter sur place pour les intéressés)

mardi 18 mars 2008

Deux poètes dans un miroir

Une fois n'est pas coutume, parmi les litres de bouquins que j'ai encore dû avaler pour le concours de l'Agrégation (si si, j'y retourne!), en voici un que j'ai dévoré. Il s'intitule:
Lorca y Alberti, dos poetas en un espejo (1924-1936), de H.Jimenez Gomez.
Déjà, la couverture m'avait attirée. Et puis le fait de découvrir ces deux poètes et dramaturges espagnols au programme du concours autrement que par le décorticage de leurs oeuvres théâtrales m'a permis de respirer et de me dire que derrière les mots, il y avait surtout des hommes. Deux andalous, l'un de Grenade et l'autre de Cadix, dont ce livre retrace la vie, mais pas de manière strictement biographique; plutôt et essentiellement comme deux portraits croisés, deux personnalités dans un miroir, pendant ces quelques années au cours desquelles ils se sont partagé l'avant scène littéraire. Des années aussi qui leur auraient peut-être permis de devenir amis, mais dont les circonstances en ont fait autre chose, pas vraiment des ennemis, tout au plus des contemporains parfois rivaux, le plus souvent simplement "collègues", deux hommes engagés dans une même époque tourmentée et fructueuse. Je cite ici en partie l'excellente introduction de Luis Garcia Montero:
"Federico Garcia Lorca et Rafael Alberti ne furent pas des ennemis. Ni plus ni moins. (...) Bien qu'ils furent rapidement identifiés comme un "couple" poétique, il n'exista pas entre eux de relation continue et, en réalité, les motifs de leur proximité célèbre sont dus à des clichés de la critique littéraire et à l'élaboration nostalgique d'une mythologie très propre à la génération de 27. Cependant, ils ne furent pas non plus des ennemis, ils tentèrent toujours d'entretenir des relations de sympathie poétique, (...), parce qu'ils eurent concience d'appartenir à une même jeunesse littéraire et parce que la rivalité à laquelle ils se virent soumis depuis le début aurait pu avoir des conséquences bien pires. L'amitié véritable et le désamour vont de pair, et nos deux poètes restèrent entre les deux, presque toujours avec la volonté d'orienter les déclarations publiques sur les versants de la camaraderie."
En allant au delà des mythes concernant la relation des deux hommes de lettres andalous -qui ont pris de l'ampleur dès les années qui suivirent l'exécution de Lorca par les franquistes en 1936-, ce livre propose au contraire une vision plus réelle des faits à travers des photos, documents, lettres, déclarations publiques et itinéraires croisés qui nous permettent de mettre un visage plus humain sur deux personnages de la littérature mondiale, souvent considérés comme des symboles mais dont la trajectoire évoquée ici laisse parfaitement percevoir les failles, les angoisses et les motivations profondes qui ont marqué leur écriture.
(belle longue phrase pas très claire type dissertation, tout ça pour dire que je suis emballée!)

samedi 15 mars 2008

"Anthropologie-réalité"

Je suis en train de regarder sur la cinquième un reportage intitulé "dans le secret des tribus" et qui se déroule chez les Yanomami, au Venezuela. Le reporter se présente au début comme "explorateur- chef d'expédition". Toutes les informations et les images du reportage sont très intéressantes, mais je me pose la question de savoir jusqu'à quel point ce que nous voyons est le reflet exact de la civilisation que l'on tente de nous présenter. En effet, le reporter anglophone arrive dans la tribu avec des tonnes de matériel photo, video, toute une technologie qui remplit une pirogue, voir même deux. J'hésite, en voyant l'homme blanc sous l'emprise de produits hallucinogènes témoigner face à sa caméra, entre le sourire face à un occidental en manque de sensation, et le sérieux face à un ethnologue à la démarche, quoique très moderne, du moins assez scientifique.
Je mets en parallèle ce reportage avec la Bible du genre, Tristes Tropiques de Levi-Strauss, publié en 1955.
On sait très bien et depuis des décennies que tout récit d'un explorateur en immersion dans une tribu est forcément faussé en ce qu'il exprime le point de vue sur une ethnie d'un étranger qui observe et rend compte de ce qu'il voit à travers le filtre de ses propres références. Aucun témoignage n'est par là même objectif, c'est ce que nous dit Levi Strauss.
En face, chaque intrusion, aussi pacifique soit elle, dans le groupe, l'ethnie, la tribu de la part d'un étranger provoque un choc (comparaison de la physionomie, des objets apportés, des gestes, des réactions...) Ici, pour en revenir à notre reportage, on se doute que l'arrivée d'un blanc apportant avec lui tant de matériel nouveau et superflu au regard des Yanomami provoque un grand nombre d'interrogations chez eux, et va sans doute même jusqu'à perturber leur quotidien.
A la base pourtant, la démarche de cet explorateur des temps modernes semble la même que celle des grands ethnologues des débuts: le désir de témoigner sur la vie d'un peuple, d'une tribu, se fondre dans le groupe durant un certain temps afin de ne pas en perturber ses membres et ainsi tenter d'en rapporter une information la plus objective possible sur leur mode de vie, leurs coutumes, leurs croyances...
Cependant, si la démarche n'a pas changé, les méthodes elles ont considérablement évolué. A l'ère de la technologie, on ne part plus avec du papier et un crayon, et sa modestie pour seuls outils. Aujourd'hui, le matériel et les moyens déployés sont énormes, et l'explorateur devenu reporter se met autant en valeur à l'image et dans le commentaire dans ses expériences exotiques que le groupe qu'il est censé étudier.
Cependant les peuples filmés ont indéniablement eux aussi beaucoup évolué depuis toutes ces années, et il semble qu'ils ne soient plus vraiment dupes de ce que viennent chercher chez eux ces nouveaux ethnologues. Après de nombreuses expériences négatives avec les blancs, les indigènes se méfient sans doute des étrangers qui prétendent témoigner sur leur société, et on peut se demander si eux mêmes ne manipulent pas maintenant l'information afin de ne montrer que ce qu'ils veulent bien. D'ailleurs dans certaines tribus d'Amazonie, les indigènes ne veulent plus d'explorateurs en leur sein et produisent en autonomie leurs images sur leur propre culture.
Pour conclure donc, il me semble que dans ce reportage, et bien heureusement, on aperçoit peut-être une évolution salutaire dans le sens ou la victime de la rencontre blancs-indiens n'est plus celle d'avant. Il apparaitrait que dans certains aspects c'est le reporter qui se fait avoir sans s'en rendre compte, peut-être lorsque les Yanomami lui offrent durant un temps la possibilité de se croire devenir chaman. Pas sûr que les esprits de la forêt veuillent bien quant à eux s'incarner dans le corps d'un étranger à leur terre...

vendredi 14 mars 2008

Kausachun Coca!

La "Junta Internacional de Fiscalización de Estupefacientes (JIFE)" (en français l'"Organe International de Contrôle des Stupéfiants") a déclaré récemment qu'elle souhaite que la pratique de l'akulliku disparaisse au Pérou ou en Bolivie, c'est-à-dire en fait que les gens cessent de mâcher des feuilles de coca. Evidemment en Bolivie les réactions ne se sont pas faites attendre, opposant à cette interdiction le fait que l'akulliku est une pratique millénaire faisant partie intégrante de la culture andine et que par conséquent la supprimer reviendrait à emputer la Bolivie d'une part importante de son identité. D'ailleurs le 11 mars à La Paz a été déclarée "Journée de l'akulliku" et des milliers de personnes se sont réunies au centre ville pour "pijch'ar coca", comme on dit en quechua, et réaffirmer ainsi la tradition face à l'Organisation Internationale qui s'y attaque. Il va sans dire que, cette Organisation faisant partie des Nations Unies, on a bien sûr accusé les Etats-Unis de confondre encore une fois coca et cocaïne (ils devraient pourtant le savoir, étant un des premiers pays consommateurs de cette dernière. Entre parenthèse les Américains feraient mieux de mâcher de la coca, ça leur ferait beaucoup moins de mal...) Selon le gouvernement bolivien, les instances internationales s'attaqueraient à la feuille de coca et à la tradition qui s'y rattache dans un souci d'uniformisation de la culture dont le modèle serait évidemment le modèle occidental, moule dans lequel les boliviens n'entendent pas se fondre. La résistance est donc aujourd'hui le mot d'ordre et on a même ressorti le slogan des cocaleros (les producteurs de coca): "Kausachun coca!" ("vive la coca" en quechua)
PS: A l'instant sur Canal + une EXCELLENTE précision sur le sujet: on nous montre tout le Parlement péruvien en train de pijch'ar coca et on dit que "malgré le fait que la coca soit considérée comme une drogue, elle ne contient que des traces d'alcaloides et on doit en mâcher des sacs entier avant de pouvoir ressentir le moindre effet". Et là ce n'est pas moi qui le dis! Ouf! Merci Canal +!!

mardi 11 mars 2008

L'engrenage

Voici en résumé l'engrenage version Education Nationale, attention ça va dénoncer! Que se passe-t-il dans la carrière d'un jeune prof? Je vous explique brièvement. D'abord, une fois que vous avez le concours, vous croyez que les problèmes sont finis mais en fait la galère commence. Année de stage IUFM pendant laquelle, si vous vous trouvez dans un petit collège de la campagne tourangelle, tout se passe bien, et dans le cadre duquel stage de gentils formateurs vous donnent des conseils pour que vos cours soient parfaits. Parfaits? Oui, dans le monde de bisounours, avec des élèves qui n'existent pas, une belle utopie quoi. Titularisé? Vous sautez de joie: vous avez tort. Direction la région parisienne. Et là vous découvrez le vrai monde, celui dont on ne vous a jamais parlé. Béton, barres, violences... Et vous croyez encore pourtant que vos cours IUFM vont vous servir et que vous allez pouvoir vous en sortir. Au bout d'un an vous les jetez tous à la poubelle: il faut d'urgence revoir la méthode. Autre détail: chaque année -quand ce n'est pas plusieurs fois dans l'année- vous allez changer de collège. Le concours? Ah oui bien sûr vous l'avez, avec de très bons résultats même. Qu'importe! Pour le rectorat vous n'êtes qu'un pion, "TZR", "titulaire en zone de remplacement", joli expression pour désigner le pauvre jeune prof qui bouche les trous. Pas marié, pas d'enfants? Alors de suite il faut oublier jusqu'à imaginer avoir un poste fixe dans les 5 à 10 prochaines années. Si vous êtes un baroudeur de banlieues chaudes, bienvenue! Ensuite, dans chaque établissement où vous passez on vous donne évidemment des classes difficiles, celles dont personne ne veut, voir même avec un peu de chance les classes poubelle (bien qu'on dise que non, non, non, ça n'existe pas). Forcément dès le début vous avez des "problèmes de discipline": nouveau dans l'établissement, jeune, vous êtes la victime idéale pour des élèves qui veulent bordéliser les cours. Surtout si des collègues bien intentionnés parlent aux élèves dans votre dos en disant que "oui, c'est normal, elle est jeune, elle débute, il faut être sympa avec elle". Message reçu, ce sera donc pire, si c'est encore possible. Deux choix se présentent à vous: vous taire et souffrir en silence, ou bien l'ouvrir, demander des sanctions, comme le font les autres collègues qui sont dans le collège depuis longtemps en fait. Grave erreur! Vous passez alors rapidement auprès de la direction pour l'incapable de service, le jeune prof sans autorité par excellence. "Oui, elle a 28 élèves en cours de langue, mais bon..." "Des problèmes en 3ème? Ah oui mais avec elle forcément..." Ce genre de petites phrases que des collègues toujours aussi gentils se chargent de vous répéter, parfois pour vous aider, parfois souvent parce que ça les soulage de savoir qu'il existe encore pire qu'eux. Résultat au bout de 4 ans de bons et loyaux services dans l'Education Nationale, au moment de faire les voeux, il vous prend comme une très grosse envie de rire. Des voeux mais pour quoi faire, puisqu'avec 40 points c'est à la loterie que vous avez l'impression de devoir jouer votre affectation! Bref, c'était mon coup de gueule du jour, pensez en ce que vous voulez, moi ça me soulage!!

dimanche 9 mars 2008

Bolivianita

Il n'y a pas qu'à Potosi qu'il y a des mines: en Amazonie aussi les hommes creusent dans la terre pour en découvrir les richesses naturelles. C'était le sujet d'un bon documentaire sur France 5 cet après midi et intitulé: "à la poursuite des pierres précieuses: l'amétrine de Bolivie". En réalité là-bas on appelle cette pierre semi précieuse la "bolivianita", car on ne la trouve que dans ce pays. C'est en fait un mélange d'améthyste et de citrine, d'où ses tons bicolores, lilas et jaune. Elle aurait déjà été connue des indigènes vivant dans la région et la légende raconte que les espagnols en auraient eu connaissance lorsqu'un de leurs conquistadors serait tombé amoureux d'une indienne qui lui aurait offert une amétrine en souvenir de leur amour. Le documentaire montre bien toute la chaîne d'exploitation de la pierre, depuis la mine jusqu'à sa vente en passant par le travail de polissage et l'exportation.
(Photo:emi)
On pénètre donc dans la mine de Anahi, située non loin de la frontière brésilienne, dont on nous dit que dans les années de la dictature elle était exploitée et les pierres exportées directement au Brésil, un trafic qui devait rapporter des millions de dollars au pouvoir en place. Aujourd'hui la mine est bien gardée par des hommes armés. Les mineurs qui y travaillent ne sont pour la plupart pas de la région de l'Oriente mais plutôt de l'Altiplano (on ne le dit pas dans le reportage mais leur physique et leur accent parle pour eux!). Ils ont d'ailleurs amené avec eux leurs rituels et leurs croyances comme le respect à la Pachamama qu'ils investissent pour trouver l'amétrine, et surtout la vénération au Tio qu'ils pratiquent comme leurs collègues de l'étain ou de l'argent, avec des feuilles de coca, des cigarettes et de l'alcool.
Le reportage montre très bien les clivages ethniques encore en vigueur en Bolivie et qui ont toujours la même importance dans les relations sociales. Je m'explique: les mineurs, comme je l'ai dit, sont en général des "kollas" (c'est-à-dire des quechuas ou des aymaras, des émigrés venant de la cordillère, de la moitié est de la Bolivie); lepropriétaire de la mine est blanc; la jeune femme qui conçoit de nouveaux modèles de bijoux ainsi que la jeune acheteuse que l'on voit à la fin du reportage sont des "cambas" (c'est-à-dire des métisses de la région de Santa Cruz, de l'Oriente, qui a toujours été marquée comme étant une région de grands propriétaires terriens créoles). En résumé, il faut dire que ce reportage n'est en rien une caricature de la société bolivienne, mais qu'il montre simplement la réalité dans les faits. Les indiens sont encore en bas de l'échelle sociale tandis que les métis et les blancs se partagent encore les postes importants et par là même les richesses que les indigènes exploitent pourtant. On voit donc que malgré l'arrivée au pouvoir de Evo Morales et toute l'energie qu'il déploie à amener les autochtones aux postes les plus élevés de l'Etat, cinq siècles de colonisation laissent les traces difficilement modifiables d'une structure sociale ethniquement hiérarchisée.

La grande peur dans la montagne

Hier je suis tombée par hasard sur un téléfilm intitulé "La grande peur dans la montagne" que diffusait France 3, et qui m'a aussitôt attiré l'attention puisque c'est aussi et surtout le titre d'un roman de l'écrivain suisse valaisan Ramuz publié en 1925.
L'histoire se passe à la montagne, dans un village où pour améliorer les finances de la commune on décide de récupérer des pâturages situés plus haut, à Sasseneire, malgré les avertissements des vieux qui affirment que des hommes sont morts là haut il y a des années. D'ailleurs peu d'hommes du village sont volontaires pour aller y travailler. Finalement Joseph, Romain, Michel, Clou l'idiot du village et le vieux Barthélémy décident de monter ainsi qu'un petit garçon. Mais une maladie infecte les vaches, le petit qui était monté avec les hommes meurt. En bas, le maire décide d'instaurer une quarantaine. Les hommes se retrouvent donc prisonniers là-haut avec les bêtes qui meurent les unes après les autres, et des bruits mystérieux qui entourent le chalet. C'est là que commence vraiment le film, qui devient alors un huis clos d'altitude où l'atmosphère se fait de plus en plus opressante; la mort rôde -le diable, dit Barthélémy-, les hommes sont au bord de la folie. Clou puis Michel vont tour à tour dans le "pierrier", croyant y trouver de l'or, et succombent au maléfice, devenant obsédés par cette richesse. Le groupe se réduit peu à peu, les bruits de la montagne et de ses forces mystérieuses se font de plus en plus effrayants, les mouvements de caméra sont volontairement rapides et font tanguer l'image, comme si effectivement le malaise s'emparait même de la vision de la réalité et faisait tourner la tête des hommes, les rendant presque incapables de raisonner objectivement. Voulant redescendre au village, Romain se fait tuer par les gardes chargés de maintenir la quarantaine. Joseph, n'y tenant plus, se rend alors au village pour rejoindre Victorine, sa fiancée qui doit s'inquiéter pour lui. Dans le même temps, celle-ci décide de monter à la recherche de Joseph. Malheureusement, elle croise Michel qui, dans sa folie de l'or, l'oblige à descendre dans le pierrier. C'est là que Joseph la retrouvera, après que le vieux Barthélémy et Michel se soient entretués à coups de fusil. La dernière image nous montre le couple de jeunes gens qui marchent ensemble dans la montagne, fuyant vers un horizon plus clément.
Cette adaptation du roman de Ramuz aurait été magnifique si la fin n'avait pas été un peu farfelue. Dans le livre, Joseph et Victorine "ne se marièrent pas et n'eurent pas beaucoup d'enfants" comme la dernière image du film semble nous le suggérer, comme si d'ailleurs on n'avait plus assez de bobine et qu'on devait écourter l'histoire qui du coup reste en suspens et finit un peu "en eau de boudin", pardonnez moi l'expression! Chez Ramuz en effet, Victorine meurt en partant chercher Joseph à Sasseneire. Barthélémy quant à lui descend au village avec les bêtes et c'est là que les habitants, pris de folie, tuent le vieil homme ainsi que toutes les bêtes. C'est alors que le glacier qui surplombe le village craque et inonde toute la vallée.
En résumé, Ramuz ne termine pas son roman par une fin heureuse puisque c'est la nature qui l'emporte. Il insiste donc en réalité sur le combat perdu d'avance entre l'homme et la montagne, contrairement à l'adaptation télé qui elle met en relief la psychologie des personnages, les réactions des hommes et leur comportement face au danger qui les guette. Dommage que le film se termine si "mal" (trop bien en fait!), car il aurait pu être de bout en bout une magnifique réalisation...

L'Aguille du midi un jour de colère

(Photo:emi)

vendredi 7 mars 2008

Rijch'ariy ñawisitu!

Pour ceux qui veulent entendre un peu de quechua, la Radio Pio XII Cochabamba (on doit pouvoir l'écouter aussi sur Pio XII Oruro, mais on ne se refait pas, Cochabamba c'est Cochabamba!) propose tous les jours de la semaine à partir de 4h30 du matin (c'est-à-dire ici 9h30, ou bien 10h30 à l'heure d'été) une émission entièrement en quechua qui s'appelle "Rijch'ariy ñawisitu" (réveille-toi petit oeil) et qui dure à peu près 1h30. On y parle évidemment du quotidien, mais aussi de politique, d'économie, bref des grands thèmes de l'actualité en Bolivie. L'emission passe aussi de la musique traditionnelle (huayños, carnavales...) à ne pas rater surtout!! La raison en est sans doute la forte présence de la Radio Pio XII dans les mines (région Norte Potosi-Norte Oruro) où le quechua est très répandu. En ce qui me concerne j'aime beaucoup ce programme parce qu'on peut y écouter le quechua parlé de différentes manières, c'est-à-dire selon son degré de "mélange" avec l'espagnol. Le présentateur principal parle par exemple essentiellement en quechua, alors que chez les gens interviewés la dose de combinaison des deux langues varie. Il faut dire qu'à Cochabamba on parle comme on dit là-bas plutôt "quechuañol", contrairement par exemple à Potosi où le quechua est encore "pur", en fait très peu mélangé à l'espagnol. Je pousserai plus tard l'analyse un peu plus loin en tentant de savoir si la personne peut être caractérisée (niveau d'éducation, origine sociale...) par rapport à sa manière de parler le quechua. Je mène l'enquête!
Voici le lien de Radio Pio XII sur internet:
(Pour info il faut cliquer sur les ronds bleus à gauche "Oruro" ou "Cochabamba", celui de Pio XII Siglo XX ne fonctionnant apparemment pas...)

jeudi 6 mars 2008

Ne jamais renoncer à ses rêves...

Paulo Coelho, L'Alchimiste, 1988.
Il y a différentes façons d'aborder ce roman. Il peut d'abord être lu comme un joli conte pieux, puisque l'auteur y fait beaucoup référence à Dieu. Il peut aussi être apprécié pour les péripéties de l'histoire, celle du personnage principal, Santiago. Finalement, il faut aussi le lire pour ce qu'il dit entre ses lignes, ce qu'il nous apprend sur nous-mêmes.
Santiago est un jeune andalou qui un jour a décidé de s'écarter de la voie qui semblait toute tracée pour faire ce dont il rêvait: voyager. Il se fait donc berger, mais depuis quelques temps il fait un rêve étrange, celui d'un trésor caché près des pyramides d'Egypte. Ayant pris la décision de suivre ce rêve, il va de rencontre en rencontre, de pays en pays, traverse le désert et fait autant de découvertes sur le monde et les hommes que sur lui-même. Arrivé à une oasis après avoir voulu renoncer plusieurs fois à ce chemin qui devait le mener au trésor, il rencontre l'Alchimiste, personnage mystérieux qui vit en dehors du campement et qui va l'aider à se mettre en route vers son rêve et à le rencontrer enfin.
Ce roman n'est pas du tout, contrairement à ce que peut laisser penser ce simple résumé, le récit des aventures d'un chercheur de trésor. Il est plutôt une tentative de montrer que quoi que l'on fasse pour les enfouir au plus profond de nous, nos rêves ne nous abandonnent jamais. Seulement l'unique solution pour y parvenir est de suivre les signes et d'accepter de se lancer à leur poursuite, de vivre ce que le narrateur appelle sa "Légende Personnelle", c'est-à-dire celle qui correspond à ce que nous avons toujours rêve d'être ou de faire sans jamais oser le faire. Comme chacun de nous, au cours de ce périple, Santiago apprend la patience: "Peu importait que la caravane fit tant de détours, puisqu'elle avait toujours en vue le même objectif." Il apprend aussi, suivant les conseils de l'Alchimiste, à ne pas renoncer: "Ne renonce jamais à tes rêves". Car, nous le savons tous, "Il n'y a qu'une seule chose qui puisse rendre un rêve impossible: c'est la peur d'échouer."
A nous, comme le personnage de Coelho, d'ouvrir les yeux aux signes dispersés sur notre chemin, car si la plupart du temps nous gardons les yeux fermés, il suffit parfois d'un clignement de paupière pour qu'un instant nous entrevoyions une porte ouverte: il faut simplement oser la franchir...

La porte du Soleil à Tiahuanacu

(Photo:Luis CHUGAR)

lundi 3 mars 2008

Grand jeu concours

Alors voici les règles du jeu:
Le 11 avril a lieu à Paris le Festival du Charango, grand événement puisque le meilleur charanguiste du monde, Alfredo Coca, sera là, ainsi que notre ambassadrice préférée Luzmila Carpio. Les affiches ne sont pas encore sorties et celles que je vous dévoile en exclusivité internationale aujourd'hui sont encore provisoires!
Le jeu consiste -désolée il n'y a rien à gagner...- à donner son avis: laquelle préférez vous? Ce n'est pas une blague, j'ai l'aval d'un des organisateurs en chef pour vous soumette la question. Alors n'hésitez pas à donner votre avis, pour une fois qu'on vous le demande!
Voici l'affiche numéro 1:

Et voici l'affiche numéro 2:

A vous de jouer!!!

dimanche 2 mars 2008

Uribe déconne

Au cours d'un assaut contre les FARC mené en Equateur par l'armée colombienne, le numéro 2 des Forces Révolutionnaires, Raul Reyes, a été tué hier. Le Président vénézuélien, Hugo Chavez, prévient que si une telle opération a lieu dans son pays, elle sera considérée comme une déclaration de guerre de la part de la Colombie. Chavez entend ainsi réaffirmer que la Colombie n'a pas à mener des opérations militaires chez ses voisins étant donné que cela remet en cause la souveraineté des pays en question. Il siginifie par ailleurs de cette manière au président Uribe qu'encore une fois une intervention armée contre les FARC a forcément comme conséquence le ralentissement voir l'impossibilité des négociations pour la libération des otages. Pendant que Uribe déconne en jouant au gendarme et au voleur en toute impunité, Ingrid et les autres attendent. Chacun ses priorités...

samedi 1 mars 2008

Quand les personnages frappent à la porte de l'auteur...

Luigi Pirandello, Six personnages en quête d'auteur, 1921.
Tout commence mal lors de la première représentation de la pièce en 1921: les spectateurs arrivent alors que le rideau est levé et qu'un machiniste est en train de clouer des planches sur la scène. Durant tout le temps de la représentation le public, choqué et peu habitué à tant de nouveauté, hurle son mécontentement. C'est que le sujet est quelque peu inattendu: alors que nous assistons au début des répétitions d'une autre pièce de Pirandello, six personnages débarquent, portant des masques. Il se disent "à la recherche d'un auteur" pour porter à la scène leur drame personnel, celui qu'ils portent en eux. On assiste alors à une pièce qui part dans une confusion totale entre illusion et réalité, avec d'un côté les acteurs, de l'autre ces personnages qui étalent leurs souffrances et leurs complexités, et au milieu le metteur en scène qui tente de les faire représenter par des comédiens qui forcément altèreront leur existence en la transformant nécessairement.
Avec ce chef d'oeuvre de modernité, Pirandello affirme avec un scepticisme ironique sa conviciton selon laquelle la réalité n'est qu'une illusion et que les codes peuvent facilement s'inverser. Par ailleurs, cette pièce est la représentation concrète sur une scène de ce que l'auteur italien est au quotidien: un auteur assailli et hanté par ses personnages. Citons un extrait d'une nouvelle publiée avant 1921 (en 1911):
"J'ai la vieille habitude de donner audience, tous les dimanches matin, aux personnages de mes futures nouvelles.
Cinq heures, de huit à une heure de l'après midi.
Il m'arrive presque constamment de me trouver en mauvaise compagnie. Je ne sais pourquoi, je vois généralement accourir à ces audiences les gens les plus mécontents qui soient, ou accablés de maux étranges ou empêtrés dans des cas tout à fait spécieux et auxquels il est vraiment pénible d'avoir affaire."
Une pièce référence à lire et à relire pour les réflexions philosophiques et universelles qu'elle suscite, pour sa modernité et pour le plaisir de comprendre comment parfois ce sont les personnages qui viennent à la rencontre de l'auteur, déjà construits et vivants, mettant ainsi à jour le processus de création tel qu'on ne le voit jamais.
(petit clin d'oeil: j'ai lu cette pièce parce qu'elle était souvent citée en relation avec les oeuvres théâtrales au programme de l'agrégation d'espagnol, et j'avoue qu'une fois de plus je prends un immense plaisir à sortir des sentiers battus et des carcans universitaires pour découvrir des choses beaucoup plus intéressantes et captivantes que le programme lui-même...)